Vue sur le lac Retba, connu comme le lac Rose #Off2Africa 30 Lac Retba Sénégal © Gilles Denizot 2016
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#Off2Africa 30 Lac Retba Sénégal

Enfin la rencontre avec le baobab, arbre de vie, et l’horizon ouvert sur un lac rose, à perte de vue


Il me fallait un changement de lieu après Gorée, son atmosphère étouffante et l’angoisse terrible qui suintait de la maison des esclaves. Cette nouvelle journée m’offrira de larges étendues de terre et d’eau, et l’horizon à perte de vue. Je prends la route pour le lac Retba, connu comme le lac Rose#Off2Africa 30 Lac Retba Sénégal

Vue sur le lac Retba, connu comme le lac Rose #Off2Africa 30 Lac Retba Sénégal © Gilles Denizot 2016

Avant même d’arriver, je vois enfin mon premier baobab ! Cet arbre caractéristique de la savane africaine et emblème de la Guinée, me fascine depuis toujours. Il est sacré, nul ne doit – en principe – le couper. Durant mon périple, je découvrirai aussi le fromager et me coucherai souvent dans les plis de ces racines, notamment en Casamance. Mais le baobab marque peut-être encore davantage mon imaginaire. Je m’identifie à son aspect : massif et haut, singulier aussi, car il semble être fiché tête en bas dans la terre. À Hambourg, je m’étais un jour senti pareil à un vieux tronc d’arbre aperçu lors d’une balade hivernale. Sectionné, abandonné, il gisait là, inutile.

Les anciens racontent les légendes de « l’arbre à l’envers » : un esprit proposa aux animaux de planter des arbres. L’hyène arriva en retard et reçut le dernier arbre qui restait, le baobab. Furieuse, elle le planta à l’envers. Cela dit, le baobab se vengea de l’hyène : une autre histoire nous dit qu’une hyène ayant dégusté le fruit du baobab voulu transporter l’arbre sur sa tête. Une mauvaise idée puisqu’elle se fit écraser !

Vous entendrez souvent aussi qu’au commencement des temps, Dieu planta un baobab. Cet arbre majestueux, apprécié de tous, faisait l’objet de tous les compliments. Il finit par en concevoir de l’orgueil. Dieu, irrité, le déracina pour ensuite le jeter à terre où il retomba à l’envers, ses branches devenant donc ses racines.

Chaque jour j’apprenais quelque chose sur la planète, sur le départ, sur le voyage. Ça venait tout doucement, au hasard des réflexions. C’est ainsi que, le troisième jour, je connus le drame des baobabs.

Il y avait des graines terribles sur la planète du petit prince… c’étaient les graines de baobabs. Le sol de la planète en était infesté. Or un baobab, si l’on s’y prend trop tard, on ne peut jamais plus s’en débarrasser. Il encombre toute la planète. Il la perfore de ses racines. Et si la planète est trop petite, et si les baobabs sont trop nombreux, ils la font éclater.

Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, chapitre 5, 1943

Il n’empêche que le baobab est aussi arbre de vie. Sous le baobab, personne ne peut être insulté ou frappé. J’aurai l’occasion de poser mes mains dessus pour, selon la coutume africaine, sacrifier toute malédiction éventuelle. Les baobabs ont une capacité remarquable à se régénérer et si certains hommes bravent l’interdit en prélevant son écorce, l’arbre en formera rapidement une nouvelle. Mais une cicatrice subsistera… D’ailleurs, le bois de baobab se griffe facilement, rien qu’avec l’ongle. Au fil des années, le baobab se creuse. La tradition voulait qu’à la mort d’un griot vénéré, un tronc ancien devienne sa dernière demeure. Il y était installé debout, avec son instrument, puis l’ouverture était scellée à jamais. J’aime beaucoup cette tradition, mais le vieux chauffeur de taxi qui me conduira régulièrement dans Dakar me confirmera qu’elle n’est plus pratiquée.

La journée est, pour l’instant, ensoleillée. Il faut du vent et du soleil pour que la coloration rose typique du lac se manifeste. J’avais souhaité m’y baigner, mais j’ai vite renoncé à cause de la glaise et de l’odeur qui s’en dégageait. Puis, soudain, le temps change, le lac perd ses couleurs et se transforme en une plaine lunaire limpide.

Vue sur le lac, des avancées de terre et des bâtons plantés #Off2Africa 30 Lac Retba Sénégal © Gilles Denizot 2016
#Off2Africa 30 Lac Retba Sénégal © Gilles Denizot 2016

Sedou récolte le sel. Il s’enduit de beurre de karité pour se protéger. Certains appliquent même de la colle forte sur leurs plaies pour que le sel ne les attaque pas davantage. Il travaille trois jours par semaine, entre 8 heures du matin et 16 heures, sous le soleil. En huit heures, Sedou tentera d’amasser une tonne de sel qu’il revendra pour 15 Euros. Dans l’eau jusqu’à la poitrine, il doit gratter le fond du lac avec un bâton puis en remonter le sel. Comment sait-il qu’il a récolté une tonne ? Par une marque sur son bateau qui s’immerge progressivement, panière après panière. Les conditions de travail sont rudes et dangereuses pour la santé, pour les poumons notamment.

Lorsque la barque est enfin pleine, Sedou retourne sur la rive sur laquelle l’attendent les femmes dont le travail est de décharger le sel. Chaque bassine qu’elles portent sur leur tête pèse de 27 à 30 kilos. Fatou travaille depuis qu’elle est petite fille. Elle reçoit, en guise de salaire, du sel qu’elle doit encore revendre pour être rémunérée. Son seul avantage est d’accéder aux acheteurs avant les hommes.

Le sel partira dans les pays aux alentours, en Gambie et Guinée-Bissau. Une partie sera acheminée en Europe, pour être utilisée dans les spas ou sur les routes en hiver…

L’exploitation du gisement est libre et chacun travaille pour soi. Il n’y a ni taxe ni impôt, mais il y a des règles : sincérité, discipline, pas de vols, pas de bagarres. Chaque travailleur trace simplement son nom sur le sel entassé. La plupart de ceux qui travaillent au Lac Retba viennent de Guinée ou du Mali. Ils restent pendant deux ou trois ans puis s’en retournent au pays. Les barques ne leur appartiennent pas, elles sont louées…

Documentaire à propos des travailleurs du lac Retba

La vie est loin d’être rose pour les hommes et les femmes du Lac Retba…

#Off2Africa 30 Lac Retba Sénégal
Dimanche 25 décembre 2016


Durant #Off2Africa, j’avais pour habitude de ne partager qu’une photo par jour, sans légende.
Celle du jour figure en haut de ce récit ; en voici d’autres…