Un garçon tient un panneau STOP laissant passer des écoliers dans une rue de Conakry #Off2Africa 55 Conakry Guinée © Gilles Denizot 2017
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#Off2Africa 55 Conakry Guinée

Le bonheur est comme l’amour : il s’enseigne et s’apprend, en Afrique, en Inde, à Saint-Denis


Trouver la clef pour transmettre non seulement la connaissance, mais surtout la soif d’apprendre reste le véritable défi de l’enseignant. Il faut donner, inspirer, encourager, guider, sans cesse et sans garantie de succès… #Off2Africa 55 Conakry Guinée

Un garçon tient un panneau STOP laissant passer des écoliers dans une rue de Conakry #Off2Africa 55 Conakry Guinée © Gilles Denizot 2017

« Quand on veut s’enrichir, on ne devient pas […] enseignant. C’est l’enseignant qui transmet le savoir et permet à un peuple de maitriser son destin […] Sa première responsabilité est d’éduquer les enfants, leur dire la vérité en leur expliquant l’histoire de leur pays et celle de l’Afrique », déclarait Alpha Condé, président de la République de Guinée, lors de la « Journée internationale de l’enseignant », le 5 octobre 2017. Il en profitait pour souligner que le métier d’enseignant est à la fois difficile et ingrat, car selon lui, l’enseignement est d’abord une histoire de sacerdoce.

Le 11 octobre, à l’occasion de la « Journée internationale de la fille », l’ONG ONE publiait un rapport sur l’accès à l’éducation des filles dans le monde. Dix pays « mauvais élèves » y sont mis au pilori (un intitulé qui – soit dit en passant – tombe dans le piège du blâme bonnet d’âne, erreur classique en pédagogie…)

La Guinée figure en 7ᵉ place du classement, parmi neuf pays africains (le Soudan du Sud, la République centrafricaine, le Niger, le Tchad, le Mali, le Liberia, le Burkina Faso et l’Éthiopie), l’Afghanistan complétant le groupe.

Je lisais récemment « Les petites écoles et la quête du bonheur », un blog de Douglas Lehman, spécialiste de l’éducation au Partenariat mondial pour l’éducation, en charge de la Guinée, du Tchad, du Mali, du Rwanda, de l’Éthiopie et de la Côte d’Ivoire. Ou comment le Mali et la Guinée (deux pays visités pendant #Off2Africa) s’efforcent d’ouvrir de petites écoles rurales à classe unique afin de garantir le droit à l’éducation de tous les enfants. En Casamance, j’avais visité une école qui regroupait des gamins de plusieurs villages. Si cet établissement et les structures d’accueil n’existaient pas, il n’y aurait pas cette foule joyeuse dans le préau aux beaux arbres.

Oui, je suis convaincu qu’il n’existe pas de « mauvais élèves ».

Je me souviens de fonctionnaires de l’enseignement dans un conservatoire à Glasgow : satisfaits et droits dans leurs bottes, ils me certifiaient « qu’on ne pouvait sauver tous les élèves ». Et pourtant, ces élèves venaient résoudre leurs problèmes vocaux et préparer leur programme dans mon studio OperaLab.

Je me souviens de fonctionnaires de l’enseignement dans un conservatoire à Chennai : tous les professeurs de chant étaient de « niveau équivalent », clamait-on pour engranger des inscriptions au coût indécent. Cependant, les élèves venaient résoudre leurs problèmes vocaux et obtenir des réponses dans ma salle de classe.

Dans des contrées comme l’Inde ou l’Afrique, l’éducateur (j’utilise ce mot à dessein) est encore un pilier incontournable de la société et tient occasionnellement le rôle de parent. Alors, sa responsabilité devient immense, elle dépasse le cadre du travail, elle devient morale.

François Foucault, le professeur du film Les Grands Esprits (réalisé par Olivier Ayache-Vidal) a sa méthode : rendre aux élèves leur amour-propre, trouver des méthodes détournées pour les intéresser à la grande littérature, préférer la persévérance au systématisme des conseils de discipline. Entouré de collègues fatigués et résignés (frôlant parfois le cynisme), il est le seul à tenir sa classe, allant jusqu’à user de méthodes douteuses. (Le Monde)

Prendre la parole et donner de la voix pour changer de vie, c’est le sens des concours Eloquentia auxquels participent chaque année les étudiants de l’Université de Saint-Denis, issus de tous cursus. Des joutes qui leur ont donné confiance et permis de combattre la fatalité et les discriminations. Saint-Denis, ce n’est pas que la pauvreté et l’insécurité, nous est-il rappelé. Ce sont aussi des rêves, des espoirs et l’envie de donner de la voix pour changer la vie dans cette commune défavorisée de la banlieue nord de Paris. (Télérama) Il fallait observer les visages des participants, entendre leur voix, leur rire, leur colère, leur peur. Et puis il m’a aussi été donné de les revoir en vrai, devant le grand écran, à une avant-première d’À voix haute – La force de la parole. Combien d’entre eux avaient été étiquetés « mauvais élèves » avant d’être « sauvés » (ou tout simplement considérés) ?

Regardez maintenant les photos ci-dessous, prises lors d’une balade dans Conakry. Observez l’énergie, le potentiel de développement de ces élèves de tous âges. Examinez vraiment et ne venez pas me parler de « mauvais élèves ». Le rapport cité plus haut le note bien : tout espoir n’est pas perdu. Les pays pauvres ne sont pas condamnés à enregistrer de mauvais résultats. Alors qu’il affiche le revenu national par habitant le plus faible au monde – 286 dollars –, le Burundi réalise des résultats supérieurs à 18 autres pays, pourtant plus riches.

Trouver la clef pour transmettre non seulement la connaissance, mais surtout la soif d’apprendre reste le véritable défi de l’enseignant. Il faut donner, inspirer, encourager, guider, sans cesse et sans garantie de succès.

Il faut aimer. Tout simplement.

« Leur dire la vérité » déclarait Alpha Condé…

#Off2Africa 55 Conakry Guinée
Jeudi 19 janvier 2017


Durant #Off2Africa, j’avais pour habitude de ne partager qu’une photo par jour, sans légende.
Celle du jour figure en haut de ce récit ; en voici d’autres…