On change le pneu d'un taxi-brousse en Guinée #Off2Africa 82 Mamou Guinée © Gilles Denizot 2017
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#Off2Africa 82 Mamou Guinée

Sur les routes de l’impossible, tu quittes Conakry le matin et tu arrives à Mamou, 290 kilomètres plus loin, le soir


La Saint-Valentin ne dure qu’un jour, c’est bien connu. Le lendemain, la vraie vie reprend et le périple #Off2Africa aussi… #Off2Africa 82 Mamou Guinée

On change le pneu d'un taxi-brousse en Guinée #Off2Africa 82 Mamou Guinée © Gilles Denizot 2017

La lune éclaire encore l’océan quand je me réveille dans un accès aigu de resfeber, la course effrénée du cœur du voyageur avant le début du voyage, lorsque l’anxiété et l’anticipation s’entremêlent. Mon sac est vite bouclé, j’enfile ma tenue de voyageur et dis adieu à l’horizon dans un dernier lever de soleil.

Direction le marché de Madina pour y trouver un taxi-brousse qui m’emmènera au cœur du Fouta-Djalon (si bien documenté dans le blog Fouta-Découverte). Justement, un vieux véhicule est prêt à partir. Il est déjà bondé, et pourtant j’obtiens de m’installer sur le siège avant. Enfin, sur la moitié du siège avant, que je partagerai avec une maman en boubou. Nous irons ensemble jusqu’à Kindia (« Revoir Kindia et mourir ») puis je devrai trouver un autre transport pour Mamou. Si je n’ai pas de chance, je me consolerai avec le bon riz au gras du restaurant Sambegou Rama. C’est la grande aventure des transports collectifs en Afrique, et des routes défoncées de la Guinée :

Les routes de l’impossible — Guinée, le territoire des oubliés

Si vous avez pris le temps de regarder ce reportage, vous pouvez maintenant imaginer ce que signifie traverser la Guinée par la route… La grande leçon est que vous souhaiteriez avoir un postérieur plus plantureux !

Sous les arbres de la gare routière nationale de Kindia attendent d’autres voitures antiques. Ce simple terrain vague, malgré le nom ronflant, se remplit doucement, à force de marchandage pour faire baisser les prix des trajets vers Labé, Dalaba, la Guinée forestière, et Mamou. Je me fonds dans le décor, adossé contre un tronc. Je suis devenu comme les locaux, le temps n’a plus de prise sur moi ni sur mon corps ; je connais maintenant physiquement la torpeur dont parlait Ryszard Kapuściński. J’apprends quelques mots d’un gamin tout en jetant de temps à autre un regard à mon sac, le noir à gauche sur la photo ci-dessous. Il contient tout ce que je possède ; n’est-ce-pas magnifique ?

Le coffre ouvert d'un taxi-brousse, rempli à ras bord de bagages #Off2Africa 82 Mamou Guinée © Gilles Denizot 2017
#Off2Africa 82 Mamou Guinée © Gilles Denizot 2017

Je me fonds dans le décor, adossé contre un tronc. Je suis devenu comme les locaux, le temps n’a plus de prise sur moi ni sur mon corps ; je connais à présent physiquement la torpeur dont parlait Ryszard Kapuściński.

#Off2Africa 82 Mamou Guinée

Au bout d’un temps indéfini, le brouhaha m’indique que le départ est proche. Je me relève, je m’étire et me dégourdis les jambes en allant faire un tour aux latrines, puis j’embarque avec une petite dizaine d’autres passagers dont un jeune couple de Sierra Leone. Il reste encore près de 250 kilomètres à parcourir et je réalise que mon épisode de torpeur africaine a duré tout l’après-midi… Soudain, ma vieille frayeur du crépuscule me reprend puisque, c’est inévitable, la voiture arrivera – Incha’ Allah – à la nuit tombée. Je ne sais évidemment pas encore où je vais dormir…

Nous n’avons pas encore atteint Mamou quand un pneu crève, par chance dans une petite bourgade. C’est une aubaine pour les femmes qui se ruent autour de la voiture et proposent leur lot de fruits, de pochettes d’eau bien glacée tandis que le chauffeur s’active sur l’essieu arrière droit. L’agitation provoquée par l’arrivée du toubab se dissipe, j’en profite pour discuter avec le jeune couple qui fait le voyage sur une banquette arrière. Qui sont-ils ? Où vont-ils ? Et pourquoi ? Comme ils ne trouvent pas de fruits et légumes à un prix décent dans leur pays, ils se rendent en Guinée pour s’approvisionner et revendront le tout, avec un petit profit, en Sierra Leone. Je parle anglais pour la première fois depuis mon départ et si je n’ai pas choisi le trajet Conakry — Abidjan via la Sierra Leone et le Liberia, j’en ai un petit goût en échangeant bananes contre mangues avec mes deux voyageurs.

Halte dans une bourgade de Guinée, des femmes portant des corbeilles de fruits sur la tête #Off2Africa 82 Mamou Guinée © Gilles Denizot 2017
#Off2Africa 82 Mamou Guinée © Gilles Denizot 2017

Je leur dirai « good bye » au garage de Mamou. Ils continuent leur chemin alors que je suspends le mien le temps d’une nuit. Je trouve une chambre dans une ruelle, même un petit boui-boui désert. Les femmes rallument le feu et me préparent une assiette de riz au gras. Quand je les remercie en soussou, elles me racontent qu’à Mamou, la « ville-carrefour » de Guinée, tout le monde parle un peu toutes les langues : le poular, le malinké, le soussou. Je suis donc quitte pour mémoriser quelques mots dans la belle langue des Peuls, ce peuple nomade à l’origine qui s’est sédentarisé et se consacre désormais à l’élevage.

Inou wali (merci, en soussou) devient Djarama (en poular). Demain, à Kankan, je devrai dire Niké (en malinké, ce qui est tout de même bien croustillant, vous en conviendrez…)

Avant d’éteindre la lumière, un peu de lecture pour me préparer au trajet du lendemain. « La route (368 kilomètres) est longue et dégradée, notamment entre Mamou et Kouroussa : un vrai calvaire » prévient le Petit Futé…

#Off2Africa 82 Mamou Guinée
Mercredi 15 février 2017


Durant #Off2Africa, j’avais pour habitude de ne partager qu’une photo par jour, sans légende.
Celle du jour figure en haut de ce récit ; en voici d’autres…