Une route rougeâtre sur laquelle marchent deux personnes, une grande étendue d'eau et au loin, dans un ciel grisâtre, la basilique #Off2Africa 90 Yamoussoukro Côte d'Ivoire © Gilles Denizot 2017
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#Off2Africa 90 Yamoussoukro Côte d’Ivoire

L’Afrique du gigantisme, aseptisée, ne me touche guère ; je préfère manger du foutou avec les doigts


L’impression est étrange, irréelle quand le bus atteint Yamoussoukro, dans la région des Lacs. À quelque 250 kilomètres au nord d’Abidjan, l’ancien village devient la capitale de la Côte d’Ivoire en mars 1983 sur décision du Président-fondateur de la République, Félix Houphouët-Boigny. Après Grand-Bassam, Bingerville et Abidjan, Yamoussoukro représente un vrai choix national, les capitales précédentes ayant toutes été désignées par l’administration coloniale française… #Off2Africa 90 Yamoussoukro Côte d’Ivoire

Une route rougeâtre sur laquelle marchent deux personnes, une grande étendue d'eau et au loin, dans un ciel grisâtre, la basilique #Off2Africa 90 Yamoussoukro Côte d'Ivoire © Gilles Denizot 2017

De même que je ne ferai que passer, en route pour Abidjan, je ne m’étendrai pas ici sur le sentiment que procure Yamoussoukro. Sans tomber dans une vision postcoloniale, cette ville ne fait pas partie de l’Afrique que j’aime, pour différentes raisons.

Il y a bien la gare routière où notre bus s’immobilise et autour de laquelle la ville est organisée, mais il y a surtout ces boulevards désertiques, ces constructions modernes et l’omniprésence de la basilique Notre-Dame de la paix.

Cette Afrique du gigantisme, aseptisée, ne me touche guère. J’avais eu le même ressenti à Dakar, en découvrant le Monument de la Renaissance africaine, la statue la plus haute d’Afrique, construite dans le plus pur style stalinien par la Corée du Nord. À son coût astronomique (de 9 à 15 milliards de francs CFA, soit 15 à 23 millions d’euros) s’ajoute une corruption flagrante de la part du président Abdoulaye Wade.

Le coût total des travaux la basilique à Yamoussoukro a été estimé à 40 milliards de francs CFA (122 millions d’euros), soit 6 % du budget annuel du pays. Pour vous donner une comparaison, seulement 6 % du budget ivoirien a été consacré à la santé en 2015, en dessous de la norme de 15 % adoptée par les chefs d’État de l’espace ouest-africain (Engagement d’Abuja, 2001). Mais comme Houphouët-Boigny a déclaré avoir financé l’édifice sur sa fortune personnelle, n’allons pas jeter la première pierre…, et ne boudons pas notre admiration en apprenant que la basilique est inscrite au livre Guinness des records comme édifice chrétien le plus large au monde.

Non seulement Notre-Dame de la paix ressemble à Saint-Pierre de Rome, mais elle la dépasse aussi en largeur (150 mètres contre 115) et en hauteur (158 mètres contre 141). Que penser des 130 hectares, des 8 400 m2 de vitraux, des bois précieux, du marbre d’Italie ? C’est un bien joli cadeau offert par l’État ivoirien au Vatican, qui l’a accepté (car, comme toujours, il n’y a pas de petits profits).

En 1994, les funérailles de Félix Houphouët-Boigny sont célébrées en présence de 27 chefs d’État et de « diplomatiques officiels » de 120 autres pays. Au total, 7 000 invités pour un coût de 630 millions de francs CFA. Tout ce beau monde en profite aussi pour discuter de la dévaluation du franc CFA. Le président Mitterrand représente la France, avec son premier ministre de l’époque, Monsieur Balladur (qui vous demande de vous arrêter).

Le lac aux crocodiles, qui entoure le palais présidentiel, ne m’intéresse pas plus que la basilique, et encore moins assister au dîner des bestioles nourries de poulets. Ajoutons encore que l’aéroport international de Yamoussoukro était, avec celui de Dakar, l’un des deux seuls du continent africain à pouvoir accueillir le Concorde, un avion mythique qu’utilisait feu Houphouët-Boigny pour ses déplacements…

Allons plutôt manger, avec les doigts, du foutou en sauce au boui-boui de la gare routière et quittons rapidement la capitale démesurée, en bus…

#Off2Africa 90 Yamoussoukro Côte d’Ivoire
Jeudi 23 février 2017


Durant #Off2Africa, j’avais pour habitude de ne partager qu’une photo par jour, sans légende.
Celle du jour figure en haut de ce récit ; en voici d’autres…