Journal de l’éloignement – L’amour et le dépit, comme la légère brûlure du mate sur le bout de la langue…
et dont la page se tourne la nuit.
qui s’écrit le jour
Un journal de l’éloignement
Ce matin, comme chaque matin, je suis monté m’assoir sur la terrasse. Là, face à la baie, je reste silencieux. Je verse l’eau sur la yerba, le mate coule en moi et me réchauffe. Se greffent immédiatement aussi l’image de tes lèvres sur la bombilla et le manque de toi. Je laisse ces pensées me traverser mais je leur intime l’ordre de ne pas m’envahir. Je tiens à identifier ce que je ressens profondément, jour après jour, dans cet éloignement.
Il y a bien quelque chose que je veux te dire ce matin, mais je n’arrive pas encore à cerner précisément ce qui me dérange. Cela fait maintenant 52 jours que nous sommes séparés physiquement, dont 9 de silence. Tu te rends compte ? Cela me parait une éternité… mais le lien amoureux est plus résilient que l’absence. Pourtant, l’océan qui nous sépare se fissure ; les failles sont en passe d’être mises au jour.
Je sais ! Ce matin, j’éprouve du dépit. Ce chagrin mêlé d’irritation provient de ma lecture entre les lignes de tes derniers messages, en particulier celui où tu romps unilatéralement avec moi. Cette impression confuse d’avoir été dupé en chemin. Aurais-je été baladé pendant des kilomètres, entre Paris et Buenos Aires, puis à nouveau entre le jour où je suis parti et celui où tu m’as quitté ?
L’apparition incongrue de cet argument me terrasse. Je ne serais donc toujours pas capable de discerner entre les personnes dignes de confiance et les autres ? Aurais-je encore une fois donné et accepté plus que de raison, sans penser à moi en priorité ? N’aurais-je donc toujours rien appris depuis trois ans ? Devrais-je me méfier à l’avenir de tous ceux qui entrent dans ma vie ?
Sur ma mappemonde, il y a deux pôles opposés : la confiance en soi et la méfiance envers autrui. Explorer la faille qui se crée entre nous est risqué, je me connais et je sais quelle pourrait en être la conséquence : le « désamour » total. Alors, l’amertume passerait de l’Inde à l’Argentine, l’Espagne ou quelque lieu où tu te trouves dans ce monde. C’est une pensée terrifiante ; je ne peux pas encore m’y résoudre.
À quel moment as-tu cessé de m’aimer ? Et l’amour que tu évoques dans ton message de rupture, celui que tu disais encore ressentir, est-il sincère ? Existe-t-il vraiment, comme la légère brûlure du mate sur le bout de la langue ? Et si oui, pourquoi ne le partageons-nous plus ?
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