Journal de l’éloignement – Le cœur se décolle du mur, l’amour chien est rongé petit à petit, révélant des images sous-jacentes…
et dont la page se tourne la nuit.
qui s’écrit le jour
Un journal de l’éloignement
Cela fait maintenant trois semaines que j’ai entamé ce voyage de l’éloignement. Trois semaines, c’était le délai minimum que je m’étais imposé pour cette période de silence, sans contact entre nous. Il est temps de faire un point, un bilan provisoire, et décider de la suite.
L’expérience m’est bénéfique, c’est une évidence. Je me libère graduellement de l’attachement et du joug des souvenirs. Bien sûr, il m’arrive d’être soudain assailli de sensations anciennes très vives, de ressentis qui ébranlent mon corps, un parfum, un son me ramènent en une fraction de seconde à toi, à nous. Parfois, en écrivant, des larmes s’échappent doucement, sans grande douleur, comme l’eau d’une piscine à débordement. Je laisse couler. Mais dans l’ensemble, je me tranquillise.
J’ai supprimé les contacts de la plupart de celles et ceux rencontrés avec toi en chemin, à l’exception des rares qui m’ont écrit depuis la rupture. (Je les compte sur les doigts d’une main.) Ils étaient devenus obsolètes et je n’ai que faire de connaissances qui like la photo quotidienne mais se gardent bien de m’envoyer un petit message d’amitié. Comme le confirme l’adage : « C’est dans les moments difficiles qu’on connaît nos vrais amis. » Il me reste encore ton contact que je vois surgir de temps à autre, ton visage sur nos photos (je n’ai pas encore eu la force de faire le tri, en particulier le Voyage en Images sur l’Argentine, celui-là je pense que je le publierai après la période No Contact) ; mon cœur sursaute, mais j’ai appris à détourner le regard pour éviter le pincement de nostalgie… Je porte encore ton anneau, j’avais pensé le jeter à la mer, dans cette eau si noire de la Manche, mais je l’ai conservé. Par moments, il me serre le doigt, je note qu’il est là et il me paraît incongru. Je sens que je vais bientôt le retirer. Le tien glissait souvent de ton annulaire, tu as même failli le perdre en voyage, des signes qui ne trompent pas…
Tu m’avais dit : « Dans bien des cas, dans les moments difficiles, je me suis retrouvé à réagir de façon inattendue, à me sentir éloigné de moi-même, à ne pas comprendre pourquoi et d’où venaient ces réactions. Discuter de choses insignifiantes et se fâcher pour des bêtises. »
Je m’y attarde ce matin.
Oui, tu as parfois eu des réactions inattendues, déconcertantes. J’avais toujours essayé d’en comprendre les raisons plutôt que de me fâcher avec toi et, certainement, je tenais à ne pas les laisser détériorer mon amour pour toi. J’ai souvent regretté que tu te ne laisses pas soutenir, que tu ne t’appuies pas sur ton partenaire, alors que c’est précisément l’un des grands avantages d’une relation. Ta rigidité dans certaines circonstances m’a régulièrement parue démesurée. Toi, d’ordinaire si calme et posé, tu traversais des épisodes sporadiques de colère qui n’étaient pas jolis à voir, qui me laissaient déçu et inquiété. Tu pouvais parfois me paraître éloigné, en particulier quand nous étions sur ton terrain, avec tes amis, dans ta langue et ton environnement. Je pensais que ce feu qui semblait couver profondément, combiné à ton intransigeance, pourraient un jour se révéler fatals à notre histoire, à la confiance que je te témoignais.
De fait.
Après 21 jours de silence (et 64 d’absence), je vois d’autres chemins se dessiner devant moi, sans toi. On pourrait considérer cela comme un beau gâchis, mais je commence à privilégier l’opportunité que cette route en solitaire peut m’offrir (j’en parlerai demain). Si tu me contactais aujourd’hui pour renouer et reprendre notre relation, je déclinerais probablement ta proposition (en écrivant ces mots, la petite voix intérieure plaide encore, c’est donc que je ne suis pas totalement libéré). Chat échaudé craint l’eau froide.
Le cœur se décolle du mur, l’amour chien est rongé petit à petit, révélant des images sous-jacentes. Il est évident que je dois poursuivre cette période sans contact car on n’archive pas neuf mois de vie commune en vingt-et-un jours. Sauf s’il n’y avait pas de véritable engagement…
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