#HolaMadrid L'idéaliste cherche trouve
#holamadrid, #off2europe, espagne, histoires

#HolaMadrid — L’idéaliste qui cherche trouve…

Comme le dit un autre proverbe, espagnol celui-ci : « Si dans ta maison tu n’as pas une sardine, ne demande point chez les autres une poularde. » Es lo que hay.


À Paris, Lara m’avait conseillé de me créer un profil sur idealista, une application pour trouver un appartement à partager. En quelques clics, ma présentation est rédigée, une photo ajoutée et je parcours les annonces. Il y a bien des offres, mais le processus de sélection du candidat fait penser à l’Auberge espagnole. Avoir 53 ans et cohabiter avec des étudiants dans la vingtaine semble désarçonner le jury… #HolaMadrid L’idéaliste cherche trouve

#HolaMadrid L'idéaliste cherche trouve
#HolaMadrid 2020, ou quand idealista et le Teatro Real font l’affiche à MAD

#HolaMadrid L’idéaliste cherche trouve

Voici un appartement haut en couleurs, réplique de celui dans lequel évoluent Wendy, Alessandro, Soledad, Lars et Tobias… Un chaos artistique, sauf dans la cuisine où les étiquettes sur les aliments et boissons sont la règle ! On me vante la vélocité du Wifi et on partage avec moi les anecdotes du récent confinement… Puis viennent les questions-types et, comme de bien entendu, mes réponses ne rentrent pas dans les cases. Verdict : trop vieux !

Puisque trop vieux d’un côté, allons voir d’un autre. Voilà un appartement spacieux et calme, LGBT-friendly, habité par trois cinquantenaires. Celui avec lequel je discute m’invite même à l’accompagner à son cours de yoga. La chambre dispose d’une grande porte-fenêtre qui ouvre sur un petit balcon (ce serait bien en cas de nouveau confinement…), mais ce n’est pas meublé. Et puis, de toute façon, le verdict tombe : trop tard ! La chambre a déjà été attribuée, mais tu aurais été le candidat idéal. On se voit au yoga ? (Aum…)

#HolaMadrid L’idéaliste cherche trouve

Et si j’essayais du côté des trentenaires et quadragénaires ? Il y a justement deux chambres disponibles dans un bel appartement situé à côté d’un resto africain. Je me propose pour la plus modeste qui comporte un petit lit, un bureau pour écrire et étudier, un fauteuil confortable pour lire. Mon premier message reste sans réponse. L’annonce disparait, mais reste encore celle pour la grande chambre. Réévaluons ma présentation, changeons de photo et tentons le coup encore une fois. À nouveau, aucune réponse. Je retrouve ces deux mêmes chambres sur un autre site. Nouveaux messages, toujours sans réponse. Quelques jours plus tard, seule une chambre est disponible (tous sites confondus) et l’annonce est subtilement modifiée. De « José souhaite partager son bel appartement LGBT-friendly avec deux locataires masculins », nous sommes passés à « José et Pedro recherchent un locataire masculin pour partager un bel appartement LGBT-friendly ». Enfin, friendly, faut le dire vite, parce que toujours aucune réponse. C’est comme les applications de rencontres, il y a des codes très précis à respecter. Je commence à comprendre que, dans ce cas précis, José et Pedro cherchent un troisième pour s’envoyer en l’air en cas de nouveau confinement. Mon verdict : trop sex-oriented et pas assez LGBT-inclusive ! (J’imagine que les profiles de José et Pedro indiquent #Masc4Masc, #NoFat, #NoAsian, #NoHIV, #NoFem, et autres discriminations de la communauté homo… *Tous les prénoms ont été modifiés, ndlr)

Vous avez dit idéaliste ?

idéaliste adj. et n. m. et f. adjectif et nom masculin et féminin 
1 Qui oriente sa vie vers un idéal élevé qui souvent ne peut être atteint. 2 UtopisteDes projets idéalistes qui ne tiennent pas compte de la réalité. SYNONYME rêveur. Note technique : En ce sens, le mot a une valeur péjorative.

Ma sœur, en recherche réaliste et méthodique d’appartement à Paris, prenait toujours des notes dans un carnet…

#HolaMadrid L'idéaliste cherche trouve
#HolaMadrid 2020 Check, check, check

#HolaMadrid L’idéaliste cherche trouve

Avec tout cela, j’ai terminé mon livre du moment : Doctor Fischer of Geneva or the Bomb Party, de Graham Greene. Je l’avais trouvé sur un quai de la gare à Genève… Un petit tour à la belle librairie (LGBT-friendly aussi, c’est une manie !) Traficantes de sueños (C/Duque del Alba, 13) d’où je ressors avec La busca de Pío Baroja.

Premier roman de la trilogie madrilène La lucha por la vida, La busca (1904) relate les aventures du jeune Manuel, qui, après avoir quitté son village pour tenter sa chance à Madrid, passe par différents milieux et métiers jusqu’à se retrouver dans la banlieue de la ville, parmi les mendiants, les proxénètes et les vagabonds, au bord de la délinquance. Baroja, avec une intention sociale testimoniale, peint, de façon austère et sombre, la petite bourgeoisie et, en particulier, les couches les plus misérables de la société madrilène de la fin et du début du siècle : des images de l’atmosphère, des types de toutes sortes – voyous, prostituées, criminels, prolétaires -, de la mendicité et de la misère ; et au milieu, Manuel, qui, en raison de son manque de volonté et de la désorganisation sociale totale, se dégrade de plus en plus, mais pas définitivement, dans la difficile lutte pour vivre.

C’est un peu (toutes proportions gardées) ce qui m’est arrivé à Madrid… Ce roman m’a passionné et j’étais bien content de l’avoir lu au moment de visiter le Museo de historia de Madrid. Situé dans un grand bâtiment baroque, l’ancien hospice de San Fernando, ce musée exhibe une importante collection sur l’évolution historique de Madrid et offre une vision globale des arts, de l’industrie, du quotidien et des coutumes de ses habitants depuis 1561 (Madrid devient capitale espagnole), jusqu’à nos jours. Les descriptions de Baroja, que j’avais imaginées, se matérialisaient dans les toiles, gravures, sculptures exposées. La banlieue d’alors est à présent Lavapiés et Embajadores, Puerta de Toledo et autres lieux familiers. Je vous en parlerai plus tard…

Les jours passent, soleil du matin, soleil du soir, sur la place Cascorro…

Entre deux visites, je déambule dans mes deux quartiers de prédilection, La Latina et Lavapiés, découverts en 2019 avec Emilio d’archiTOURSMAD. Presque en face de Traficantes de sueños, je retrouve la façade du Ministerio del Tiempo et, toujours dans la même rue, juste avant la place Tirso de Molina : la Sala Equis.

En espagnol, la lettre X se prononce Equis. Vous l’avez deviné, c’est un ancien cinéma porno ! L’embourgeoisement est passé par ici, c’est maintenant un lieu qui respire comme une place couverte, où l’offre gastronomique de la cuisine de rue est le cadre idéal pour les rencontres sociales. Si vous avez regardé la série Valeria, vous aurez vu la Sala Equis (S01E08 pour les amateurs).

Quittons les Sex-and-the-City madrilènes pour remonter le temps des ouvrières de la Tabacalera. Un lieu unique à Lavapiés, marqué par la lutte ouvrière et présentant un caractère féministe et universel. L’ancienne manufacture de tabac de Madrid renferme dans ses murs un chapitre important de l’histoire de la classe ouvrière du quartier de Lavapiés, car c’était le lieu de travail de milliers de femmes (les cigarreras, à l’image de Carmen) qui coupaient, hachaient et roulaient le tabac pour fabriquer des cigarettes. Vers 1890, jusqu’à 6 000 travailleurs forment un collectif pionnier dans la lutte pour obtenir de meilleures conditions de travail et l’émancipation des femmes.

Autre cinéma, l’Ideal a ouvert ses portes en mai 1916 en tant que premier palais du cinéma du centre-ville de Madrid. Sa façade originale ornée de vitraux a été intégralement restaurée en 2002. On est peut-être idéaliste, on n’en enverra pas moins la photo à Sandrine !

De spécialités culinaires : la meilleure tortilla de patatas, dixit la devanture d’un bistrot… vérification faite, la meilleure est encore celle de Mercedes, une paella, un gazpacho, des fromages,

en clins d’œil du passé : une Royal Enfield indienne, un Bazar el Cairo (ça c’est pour Mercedes), et une Peluquería Tanger (unisexe !),

j’arpente les rues de Lavapiés et de La Latina, souvent en levant la tête pour admirer le renommé Street Art local.

Mais je m’aventure aussi plus loin pour revoir le Teatro Real (souvenir d’un sensationnel Wozzeck en 2013), la Puerta del Sol (aux Barbaresques !), la chocolaterie San Ginés (la météo locale n’avait pas encore prévu Filomena) et je pose même devant le Palacio Real (des fois qu’on m’offrirait l’une des 3 418 pièces pour m’y installer…)

#HolaMadrid L’idéaliste cherche trouve

Les jours passent, les tentatives et les entretiens se succèdent…

Un matin, le serveur du Boconó (un café où j’ai pris l’habitude de lire) me dit tout simplement : « Mais pourquoi tu ne regarderais pas les offres de studios ? Tu ne paierais pas beaucoup plus, mais tu serais indépendant… » Ni une ni deux, une annonce propose un « coquet studio sous les toits » dans le quartier de Lavapiés. Le budget est respecté, la visite effectuée et la réponse de la propriétaire ne se fait pas attendre : ¡Sí!

#HolaMadrid L'idéaliste cherche trouve
#HolaMadrid 2020 ¿Me pones unas llaves con mi cruasán?

Tous comptes faits, ce n’était pas si difficile, peut-être en raison de la chute vertigineuse des demandes de location. À l’approche de la rentrée universitaire, les propriétaires madrilènes se rendent compte que les étudiants internationaux ne peuvent pas obtenir de visa, et ceux qui n’en ont pas besoin hésitent encore à s’engager. Personne ne sait vraiment comment la situation sanitaire Covid va évoluer. Le loyer du studio vient même encore de baisser de 10 % juste avant la signature du contrat, c’est une aubaine !

#HolaMadrid L'idéaliste cherche trouve
#HolaMadrid 2020 Happy now?

#HolaMadrid L’idéaliste cherche trouve

Ma nouvelle adresse sera donc Calle de la Huerta del Bayo, une rue typique de Lavapiés, entre Embajadores et Peña de Francia… (je suis poursuivi par un destin contraire, disait ma grand-mère !). Pour le même prix que l’immense maison avec deux terrasses à Tanger, je me calfeutrerai sous les toits (en me cognant la tête à de multiples reprises sur les poutres apparentes dudit coquet studio…)

Comme le dit un proverbe espagnol : « Si dans ta maison tu n’as pas une sardine, ne demande point chez les autres une poularde. » Es lo que hay.

Nonobstant, je suis bien content d’avoir les clés en poche ! Je dépose mon sac de voyage, je regarde par les lucarnes, j’admire le ciel brûlant dans le crépuscule de Madrid, j’ouvre une bouteille de Rioja Gran Vendema (cuvée 2016, tout est dans la symbolique…) et trinque en vidéoconférence avec Sandrine !

#HolaMadrid L'idéaliste cherche trouve
#HolaMadrid 2020 Apéro Gran Vendema 2016

#HolaMadrid L’idéaliste cherche trouve