#Off2Europe Paris — Petit voyage
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#Off2Europe Paris — Petit voyage

Quoi de plus délicieux qu’un fugace voyage à Paris ? Soyons fous, soyons légers un court instant, si vous le voulez bien…


Succomber à la nonchalance d’un zinc, d’une flânerie bavarde au goût de frangipane. Soyons fous, soyons légers, voyageons un court instant, si vous le voulez bien… Voici #Off2Europe Paris — Petit voyage

#Off2Europe Paris — Petit voyage

Filomena avait gagné la partie, mais pas la guerre. Son vol annulé, il ne serait pas au rendez-vous fixé. Pim, pam, poum, en quelques secondes le plan de bataille fut remanié. Damas y caballeros, bienvenidos a Paris-Orly où la température extérieure est à l’instar de la politique : glaciale. Hâtez-vous de rejoindre les beaux quartiers, vous y attendent une soupe maison et la meilleure tortilla del mundo. Non, non, le canapé du salon m’ira très bien ! Moltes gràcies i bona nit.

Au matin, Paris s’éveilla comme blancs montés en neige. Qu’à cela ne tienne, les bottes chinées au Grand Socco de Tanger en avaient vu d’autres. Les deux comparses s’élancèrent à l’assaut de la capitale. À la périphérie, ils happèrent quelques paroles en darija ; l’une en profita pour impressionner l’autre : sais-tu comment se dit neige en arabe ? Non, par contre la pluie se dit chta, lui rétorqua l’autre. Et, ils poussèrent la porte du laboratoire d’analyses.

Tout ça pour ça ? Négatif mon bon monsieur, vous pourrez embarquer. Allez vous récompenser d’un petit café et d’un croissant au bar-tabac du coin. Le zinc devenu no-man’s land, c’est dehors qu’ils dégustèrent le breuvage aux volutes enfumées. Ils remontèrent l’avenue jusqu’à la place, s’engouffrèrent dans la bouche métropolitaine pour en ressortir par la porte Marguerite.

Le lecteur recherché, raffiné et rarissime, appréciera sans doute une mise en contexte. La voici : cette bonne Marguerite (dite de Navarre) se jouait des laissez-passer et ne dédaigna point se rendre de son Pays basque au royaume normand de Sicile pour y convoler avec Guillaume, dit le Mauvais. Certaines langues lui prêtèrent une relation urbi et orbi avec un baron local, mais arrivés à ce point de l’histoire, l’auteur préfère reprendre la sienne, là où il l’avait laissée.

#Off2Europe Paris — Petit voyage

L’un et l’autre se frayaient un chemin pédestre à travers le forum. Une grande fresque murale leur prodigua un nouveau thème de conversation : a new now. Vraiment ? La nouvelle normalité n’est pas un graffiti, alimenta une banderole près de laquelle deux silhouettes se faisaient la tête. La fontaine Stravinski leur ouvrit les bras, la blouse roumaine de Matisse les referma, mais (trop tard !), l’une et l’autre avaient déjà pénétré le trouble marais. Côte à côte, malgré l’exiguïté des trottoirs, ils pressaient le pas quand, oh ! : ils ne purent ignorer cette interrogation impertinente (à la virgule au demeurant fort délicate) qui maculait un mur ancestral du quartier. Les bourgeoises choquées préféraient se hâter sous leurs parapluies chamarrés.

L’un et l’autre en souriaient encore quand ils atteignirent la place carrée que couvrait un majestueux manteau d’hermine. Les jets d’eau gaspillaient leur force pour ne pas périr en stalactites. L’un conta à l’autre qu’il y a fort longtemps, cette même place se métamorphosa en un champ de lavandes et que là, il s’enivra un soir d’été…

Deux galettes à la frangipane plus tard, ils furent rendus. Ce jardin souvent visité, lieu de rêveries profondes, semblait pourtant être territoire inconnu, vierge à nouveau. Il n’est pas d’histoire d’amour plus belle que celle qui nous ramène à une mémoire métamorphosée.

Pensez-y : bronzes à la patine maintenant gelée, corps élancés les uns contre les autres, étreintes passionnées, combats figés, étirements suspendus, raillés par de fugaces créatures qui ne survivraient pas aux fonderies ni même aux fontes saisonnières, chairs mêlées aux mouvements interrompus bien qu’extasiés ; un poète-musicien démuni de son bestiaire, un traître père sur le point de dévorer sa progéniture, une cité antique ensevelie sous la froideur lavée de cet ultime samedi, avant de courber l’échine et de se plier sans casser à la privation imposée, quand le tragique parvient à nous amuser, quand des groupes à la plastique charnue échouent à se comparer aux délicates roses perlées…

Transis, assouvis, ils parèrent au plus pressé et s’en furent en volant pour se ranimer.

Au matin, Paris s’éveilla en crocus assoiffé de liberté. Audacieux et printanier, l’astre du jour invitait les flâneurs à reprendre leurs pérégrinations. Ils coulèrent du blanc au vert, de voies désaffectées aux potagers assoupis, s’assirent quand ils le voulaient, firent mine de s’égarer pour mieux se retrouver, emplirent leurs torses d’air à moitié pur, évoquèrent certains amours desséchés et plantèrent les germes d’un futur en gestation, presque palpable, presque avéré…

Quelques gorgées cul-sec suffirent à étancher l’attente ; trois petits tours et s’en alla…

#Off2Europe Paris — Petit voyage