Voir toute la vie comme lorsqu’on était enfant, regarder au dehors du cadre, contempler les idées…
Voici #HolaBarcelona — Journal de juin
Voir — #HolaBarcelona Journal de juin
J’ai souvent pensé à l’enfance, aux yeux des enfants, à leur façon d’appréhender la vie… J’ai essayé de voir (ou revoir) comme si c’était la première fois, de regarder hors du cadre, contempler les idées, et tendre au dépouillement.
Voir, c’est déjà une opération créatrice, ce qui exige un effort. Tout ce que nous voyons dans la vie courante subit plus ou moins la déformation qu’engendrent les habitudes acquises, et le fait est peut-être plus sensible en une époque comme la nôtre, où cinéma, publicité et magazines nous imposent quotidiennement un flot d’images toutes faites, qui sont un peu dans l’ordre de la vision ce qu’est le préjugé dans l’ordre de l’intelligence. L’effort nécessaire pour s’en dégager exige une sorte de courage ; et ce courage est indispensable à l’artiste qui doit voir toutes choses comme s’il les voyait pour la première fois : il faut voir toute la vie comme lorsqu’on était enfant ; et la perte de cette possibilité vous enlève celle de vous exprimer de façon originale, c’est-à-dire personnelle.
Henri Matisse, propos recueillis par R. Pernoud, Le Courrier de l’U.N.E.S.C.O, octobre 1953
Choisir — #HolaBarcelona Journal de juin
Comment vais-je aborder le répertoire déjà connu, déjà chanté, pour le concert de New York ?



D’une part, on m’a fait parvenir de nouveaux exemplaires des partitions (les miennes sont encore en Inde, dans des cartons). Je n’ai plus aucune annotations personnelles, le canevas est vierge.
D’autre part, ma voix a changé. C’est mon premier concert depuis six ans ; mon corps, le véritable instrument du chanteur, n’est plus ce qu’il était. Je le constate sans amertume, car si je ne peux plus faire comme avant, je me découvre une nouvelle palette de sons.
Pour pouvoir garder un regard intact, selon Matisse, l’artiste doit passer par un travail de maîtrise de lui-même, et cela demande « du courage ». Avoir le courage d’accepter la situation, mais de voir toutes choses comme pour la première fois ; nourrir son sentiment à l’aide des éléments que l’on tire du monde extérieur, tendre au dépouillement plutôt qu’à l’accumulation des détails ; choisir entre toutes les combinaisons possibles, la ligne qui se révélera pleinement expressive. Enfin, se préparer à sauter sans filet, sans sa pianiste de toujours, sans le feu d’avant.
Le peintre aspire à se défaire du flot d’images toutes faites, le chanteur cherche à se dégager du bruit qui l’entoure. An artist has to create a space for silence to enter his work, écrivait Marina Abramović dans son manifeste. Comment travailler quand les journées bourdonnantes et chaudes n’invitent qu’à la sieste ? Comment s’évader dans le sommeil, alors qu’une foule ivre est là, dehors dans la nuit, hurlant jusqu’à l’aube ? Le silence ne peut plus être considéré comme le contraire du bruit, sinon qu’on est amené à le percevoir comme un état qui nous introduit dans une autre dimension du réel, immédiatement intériorisée, qui entraîne un nouveau rapport à la réalité. (Guy Barthèlemy, Fromentin et l’écriture du désert) La pollution sonore est omniprésente à Barcelone ; j’ai soif de ce silence qui est une île au milieu d’un océan turbulent (Abramović, aussi) pour y puiser l’inspiration.
Répéter — #HolaBarcelona Journal de juin
Après une installation mouvementée à New York, je prends immédiatement le rythme local et me couche tôt. Mon unique répétition est prévue pour le lendemain ; je vais travailler pour la première fois avec la pianiste Elizabeth Rogers. Quand j’arrive dans son immense appartement, mon ami Rohan, le réalisateur d’All The Way Through Evening m’a fait la surprise d’être présent. Éclats de rire, comme dans une cour d’école ; le temps a passé, Mimi nous a quitté. Son souvenir flotte autour du piano, alors que j’entame la mélodie de Chris DeBlasio. Il est évident qu’Elizabeth et moi allons bien nous entendre, et nous convenons de nous revoir le lendemain pour approfondir notre travail. La journée est chaude et humide, une bouche d’incendie déverse des litres d’eau dans la rue, image typique des journées caniculaires à New York. Je retrouve Rohan le soir pour enregistrer l’entretien qui figurera dans son nouveau projet documentaire.



Manifester — #HolaBarcelona Journal de juin
Les caméras et micros sont aussi au rendez-vous à Barcelone, une manifestation pour exiger des mesures contre le bruit qui tue (El soroll mata) et pour faire respecter le droit au repos (El dret al descans). Alors que les G.O. tentent d’inculquer les refrains protestataires aux quelques deux cent personnes ayant fait le déplacement, un orchestre installé à quelques mètres teste l’amplification sur la place de Sant Jaume. Benvinguts dans notre univers absurde et abrutissant…
#VolemDormir


La zone duTriángulo Golfo, dans mon quartier de Poblenou, est précisément celle qui a dénoncé le plus d’incidents pour incivisme : 4 000, entre septembre 2021 et avril 2022. Et pourtant, c’est bien là qu’en juin je me suis inscrit au registre des habitants de Barcelone : le nomade deviendrait-il sédentaire ?
L’idée de devoir traverser l’océan pour aller chanter à New York me préoccupe. Il faut se plier à tant de formalités et l’ESTA (Electronic System for Travel Authorization, procédure de dérogation à un visa pour un voyage aux États-Unis de moins de 90 jours) m’occasionne toujours des sueurs froides, tout comme les bureaux d’immigration et autres passages de frontières. Trouble de stress post-traumatique, cette séquelle de l’Inde ne me quittera sans doute plus…
Mais l’autorisation est délivrée en moins d’une heure, je respire un peu à travers mon masque. Je le porterai consciencieusement, partout, le plus possible. Une enquête préliminaire sur l’augmentation des cas Covid à New York révèle que les chiffres réels seraient jusqu’à 30 fois plus élevés que la version officielle. Le test antigénique obligatoire me rassurera à quelques heures d’embarquer dans un avion américain, à bord duquel le port du masque est facultatif…
Dans le public (je l’apprendrai à mon retour) des personnes ont été testées positives, elles se sont assises au milieu d’autres, elles ont pris part au repas d’après-concert, et certains musiciens ont été contaminés. J’ai bien fait de rester sur la terrasse…



Au retour, la passagère vautrée dans le siège d’à côté, tousse et éternue à la Violetta Valéry. Elle porte son masque en tissu tel un foulard, mais elle a pris soin de couvrir ses yeux pour dormir ! Il n’y a plus de restriction sanitaire de voyage en Espagne, les autorités ne demandent plus de preuve de vaccination, de guérison ou de test. Une septième vague Covid serait-elle sur le point de débarquer à Barcelone ? Le gouvernement de Catalogne le réfute et pourtant, au cours de la semaine dernière, on a recensé quelque 4 000 nouvelles contaminations quotidiennes. Les urgences sont à nouveau débordées face à cette augmentation de 50 % du taux d’infection par rapport à il y a quinze jours, le plus grand nombre de cas depuis février. Il ne manquerait plus que ce vol JFK-BCN sur compagnie espagnole me fasse tomber malade ! C’est que, dès le lendemain de mon arrivée, je me présente aux examens de catalan, niveau A2. Score final : Covid 0 — Catalan 97,5/100. (Vous prendrez bien un vermouth pour fêter ça ?)
Une fois n’est pas coutume, et bien que je ne goûte guère à la science fiction, je suis allé découvrir Little Joe (Jessica Hausner · 2019 · 105’) à la FilmoTeca. Sinistre, hypnotique, inquiétant, des couleurs de fable Tutti gabbati, et une bande-son du compositeur japonais Teiji Ito. Excitante, effrayante, abstraite, sa musique vous attire et vous repousse en même temps ; parabole de l’étrange, de la distance qui s’installe entre nous, de l’ambiguïté des relations humaines.
Souvent seul alors que sa mère travaille dans un laboratoire aseptisé, Joe doit prendre soin de la plante pourpre, l’arroser, lui parler, la maintenir à une température ambiante adéquate ; la fleur, alors, le rendra heureux. On tente de percevoir chez l’adolescent le déclic du changement dans le regard, la conséquence des manipulations génétiques. Cet ado délaissé fait écho au travail Metaverse de la photographe Julie Blackmon : un monde sans adulte, des images comiques et idylliques… mais aussi pleines de danger.



En revanche, sur les bancs publics de Versailles rive droite (Bruno Podalydès · 2009 · 110’) vu à la FilmoTeca, il y a foule d’adultes et bavardage. Les enfants se racontent des secrets et apprennent à hiérarchiser timbres et volumes grâce à la boule d’éveil, un jouet infernal qui initie les petits… au bruit !
Découvrir — #HolaBarcelona Journal de juin
On est vraiment très loin de la quiétude nocturne qui enveloppe le jeune Mohammad dans Experience, en persan : تجربه, Tadjrebeh (FilmoTeca Iran — Abbas Kiarostami · 1973 · 53’). À 14 ans, il est employé à tout faire dans la boutique d’un photographe où il est autorisé à dormir après avoir nettoyé les lieux, servi des litres de thé sucré, et découpé des centaines de planches au massicot, cet outil redoutable qui, petit, m’attirait autant qu’il me terrorisait…
Silencieuse était la nuit placide, chante Renata Tebaldi dans Il Trovatore. Sa voix émerge d’un poste de radio antique, le même que j’ai connu gamin et qui me fascinait, parce qu’il comportait toute une liste de villes du monde. J’ai retrouvé exactement la même émotion, alors que d’un tour de bouton, Verdi laissa place au chanteur égyptien Mohamed Abd El Wahab.
Les bons films gardent le silence, et garder le silence n’est en aucun cas la même chose que se taire. Aujourd’hui, de plus en plus de films se taisent, mais gardent de moins en moins le silence. Le silence est l’endroit où le monde commence, même s’il est effrayant.
Klotz, Vertigo : Le silence
Ce fut, si ma mémoire est bonne, mon premier film du réalisateur iranien. Grâce au cycle Retrouver Kiarostami : les années Kanoon, j’en verrai sept au total en juin. J’ai immédiatement été séduit, pour diverses raisons :
- la brièveté, qui ne retire rien à l’intensité du propos (comme je l’expliquais en mai) ;
- le persan, une langue dont les sons me séduisent depuis longtemps ;
- l’Iran, que je n’ai jamais visité (et où je ne me rendrai probablement jamais), mais que j’ai parcouru à travers les récits de Nicolas Bouvier, et de Ryszard Kapuściński qui m’accompagnèrent durant mes périples #Off2Africa et #Back2Africa. Relire la scène du lever de soleil que relate le correspondant de l’Agence de Presse polonaise alors qu’il couvre les dernières semaines du shah ;
- La similitude avec des scènes vécues à Chennai ;
- Enfin, et principalement, pour les yeux des acteurs (parfois des actrices, mais elles n’apparaissent que peu à l’écran), pour la clarté et la profondeur du regard des enfants.
Que dire de cette scène minimaliste : les yeux qui parlent sans mots, les protections qu’utilisent encore les cireurs du Cinéma Rif de Tanger, la pudeur devant la semelle éventrée, la gêne qui fait replier l’orteil, la goutte de sueur qui perle au front, tandis que le gros bourgeois se cache encore plus derrière son journal… ; il n’y place que pour le brouhaha du trafic urbain, et ces quelques dialogues retenus. La fin du film me laissera sans le souffle ; dure et implacable, elle tombe comme un couperet. Cela sera le cas dans plusieurs des films suivants et occasionnera des réactions immédiates chez le public de la FilmoTeca. À chaque fois, les lumières rallumées, de petits groupes se formeront spontanément pour commenter. J’y participerai avec gourmandise, en catalan et en espagnol.
En 2015, Barcelone avait bénéficié de la présence du cinéaste iranien (et nous vaut maintenant ce beau souvenir dans l’exposition Cineastes a la FilmoTeca, d’Oscar Fernández Orengo), mais la rétrospective qui lui avait été consacrée était incomplète. On retrouve aujourd’hui, à côté des titres les plus connus, cette période cachée des films qu’il a réalisés pour le Centre pour le développement intellectuel des enfants et des adolescents (Kanoon), une institution clé pour l’émergence du nouveau cinéma iranien, où le cinéaste a réalisé de délicieux films éducatifs et d’autres joyaux mettant en scène des enfants.
Lebassi Baraye Arossi (FilmoTeca Iran — Abbas Kiarostami · 1976 · 57’)
Dans une arcade commerciale (qui ressemble à s’y méprendre au premier shopping centre que j’avais découvert à Chennai) travaillent trois gamins iraniens, l’un d’eux dans une boutique de tailleur. Un nouveau costume est confectionné pour un quatrième adolescent, issu de la classe supérieure, et les deux compères veulent l’emprunter pour la nuit, au grand dam (ça, c’est pour Mercedes) de l’assistant du tailleur. Le suspense vous laissera haletant, la fin est aussi tendue et abrupte que Tadjrebeh.
À peine la lumière revenue, la grosse dame qui s’était éventée durant tout le film (il faut dire que l’arcade commerciale dégoulinait de sueur rance…) lance à la cantonade un tonitruant : ¡Qué tonteria! (Quelle absurdité – en espagnol), puis fait claquer son abanico comme seules les vieilles Ibères (ou les drag queens) savent. Une voix d’homme lui répond : A mi m’ha agradat molt! (Moi j’ai beaucoup aimé – en catalan) ; la conversation est lancée !



Chanter — #HolaBarcelona Journal de juin
Ma première mélodie au programme est le Kaddish de Ravel. C’est l’une des plus belles musiques juives de tous les temps, avec son accompagnement minimal au piano, le style déclamatoire en araméen (souvent proche d’un recitativo) et les longs mélismes qui amènent au point culminant. En chantant, j’ai eu la sensation physique que le public était trop proche, que ma voix n’avait pas suffisamment d’espace pour prendre son envol, qu’elle percutait un mur qui ne voulait pas tomber. J’avais l’impression d’hurler contre le vent, de lutter, comme à contre-courant. Et tout ce temps, mon pilote automatique de chanteur continue de fonctionner. Le public me regarde en retenant son souffle, il n’y a pas un bruit, pas un mouvement furtif dans la salle, figée dans un silence lourd. La dernière note n’est pas encore évanouie qu’une explosion d’applaudissements retentit. Le mur me tombe dessus, m’ensevelit, les jambes semblent se dérober sous moi. À ce moment précis, je suis convaincu d’avoir chanté de façon brutale, de n’avoir pas choisi entre toutes les combinaisons possibles, la ligne qui se révélera pleinement expressive. À l’entracte, je m’autorise à sortir, ce que je ne fais d’habitude jamais. Je suis ébranlé, j’ai besoin d’air. C’est alors qu’une femme approche, dans une respectueuse lenteur. Elle sort son téléphone et partage avec moi une courte vidéo qu’elle vient de filmer…
I’ve often noticed that we are not able to look at what we have in front of us, unless it’s inside a frame.
Abbas Kiarostami
New York et les examens de catalan derrière moi, je retourne à la FilmoTeca pour ce que les critiques ont désigné comme La Trilogie de Koker سهگانه زلزله. Le point commun est le nom de ce village du nord de l’Iran, qui fut dévasté par le tremblement de terre du 21 juin 1990, causant la mort de 50 000 personnes.
Exactement 32 ans plus tard, dans la nuit du mardi 21 au mercredi 22 juin 2022, au moins un millier de personnes mourront et 1 500 autres seront blessées dans un puissant séisme en Afghanistan. Il est impossible de ne pas y penser : les scènes d’archives de 1990 répondent aux images d’actualité de 2022. (Étrangement, je penserai aussi au Kippour d’Amos Gitai.)
Premier volet : Khane-ye doust kodjast? (FilmoTeca Iran — Abbas Kiarostami · 1987 · 83’)
Ahmed, 8 ans, a pris par erreur le cahier de Mohammad. Il veut le rendre, pour éviter à son ami un renvoi de l’école. Il faut voir les yeux du gamin, quand sa mère ne comprend pas l’urgence de la situation et que le dilemme moral s’impose à lui. Sans un mot, mais déterminé, le garçon se lance à la recherche de la maison de son compagnon de classe ; une belle allégorie de l’amitié et de la moralité se révèle, mélange unique de poésie, de documentaire et de fiction. On retrouve néanmoins le thème des barrières de communication entre les générations, cette façon brusque et inconsciente qu’ont les adultes dédaigneux et condescendants de traiter les plus jeunes. Je l’ai vu à de multiples reprises en Inde, où, comme dans le village de Koker, on laisse passer la vache quand elle décide de passer… La hiérarchie des classes s’organise d’abord en fonction de l’âge, puis la classe sociale, enfin le sexe. Ceci dit, dans chacun des trois films, on note la présence d’un adulte plus tendre, plus à l’écoute : le vieil artisan, le père, le cinéaste, respectivement.



Deuxième volet : Zendegi va digar hich (FilmoTeca Iran — Abbas Kiarostami · 1992 · 95’)
Après le tremblement de terre, un père et son fils se rendent dans la zone dévastée à la recherche des deux petits garçons qui étaient les protagonistes du précédent film, Où est la maison de mon ami ? Capable de dénicher la beauté dans les circonstances les plus sombres, Kiarostami crée une ode majestueuse et tranquille qui célèbre le meilleur de l’esprit humain. La résilience des habitants font que la vie continue…
Troisième volet (et sorte de making-of du deuxième) : Zire darakhtan zeyton (FilmoTeca Iran — Abbas Kiarostami · 1994 · 108’)
Dans Et la vie continue, le jeune acteur qui semblait incapable de dire son texte se révèle être réellement amoureux de sa partenaire, la fille aux yeux verts magnifiques. Une comédie humaine douce et ineffablement charmante, imprégnée des traditions de la vie (ou restrictions religieuses) dans les villages iraniens. À travers les oliviers explore la relation insaisissable et alchimique entre le cinéma et la réalité. Là aussi, Kiarostami nous abandonne à la fin et ne nous révèle pas si le garçon qui poursuit la fille à travers les oliviers parviendra à gagner son cœur. Une discussion spontanée s’engage entre les spectateurs : alors, oui ou non ? Je pense que oui, en raison de la musique. Souvent, Kiarostami choisit une œuvre baroque pour le générique de fin ; lorsque le garçon court jusqu’en bas de la vallée en implorant la fille, la musique est très Partie B, morose, en mode mineur. Mais à un moment, très loin dans le champ de la caméra, le garçon se retourne et revient en courant. C’est alors que la musique passe en mode majeur, type Partie A répétée. CQFD ? (J’ai communiqué – en version bilingue dans la même phrase – mon hypothèse au groupe de discussion, la grosse dame à l’éventail m’a regardé comme si elle me voyait pour la dernière fois.)
Avec Nema-ye Nazdik (FilmoTeca Iran — Abbas Kiarostami · 1990 · 98’), le réalisateur brouille encore davantage la frontière entre le documentaire et la fiction, révèle le pouvoir du cinéma, l’emprise qu’il a sur nous et ce qu’il peut nous faire commettre. En tête d’affiche, le sosie de Mahmoud Ahmadinejad (ou d’Iznogoud, celui qui voulait être calife à la place du calife…) Vous vous souvenez du triste sire ? En 2012, il avait affirmé que le SIDA avait été créé par l’Occident afin d’affaiblir les pays plus pauvres, bien qu’il répétât à qui voulait bien l’entendre que les Iraniens homosexuels n’existaient pas… (un thé sucré et quelques loukoums avec ceci ?)
Entre deux journées consacrées à arpenter les dédales de l’administration catalano-espagnole, je m’octroyais une escapade dans les montagnes d’Iran, au milieu desquelles se cache un village kurde. Bad ma ra khahad bord (FilmoTeca Iran — Abbas Kiarostami · 1999 · 115’) est un poil longuet, mais les paysages sont somptueux… Cette fable sur la frustration professionnelle et personnelle est le film le plus opaque et le plus allusif de Kiarostami, avec de nombreuses références à la poésie et plusieurs personnages clés (dont la vieille femme à l’article de la mort) que l’on ne voit jamais. À travers des notes délicates d’humour absurde, l’accent est mis sur le voyage plutôt que sur la destination. La scène du gamin injustement rudoyé par le protagoniste, et la fêlure qui s’ensuit, est typique de ce rapport intergénérationnel altéré, ad nauseum.
Se reposer — #HolaBarcelona Journal de juin
Pour terminer le mois et se souvenir de New York, dernière pel·lícula à la FilmoTeca : Rear Window (Alfred Hitchcock · 1954 · 112’) qui avait en partie inspiré ma production de Lobby (Inde, 2013). J’ai toujours aimé regarder les gens, les observer. Je le confesse, je fais un peu pareil que James Stewart, mais il est vrai que j’ai en face un hôtel aux multiples chambres et une piscine en bas… C’est l’été, ils font du bruit jour et nuit ; je peux bien les regarder, non ?



Ne regarde pas les gens, c’est malpoli ! (Ou alors, comme si tu les voyais pour la première fois, comme un enfant…)
#HolaBarcelona Journal de juin 2022
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