On ne se refait pas, il y a du calendrier bien rempli
Fin d’année, fin de cours, un triptyque en silence, mais ensemble, la volonté de croire en la prunelle de tes yeux… Voici #HolaBarcelona décembre 2022
Le 5 décembre, c’est l’anniversaire de la Mum’s. En 2016, j’étais à Tarfaya, en 2017, à Tanger. En 2018 et 2019, aussi. En 2020, c’est de Madrid que je lui souhaitais Feliz cumple. En 2021 et 2022, Per molt anys de Barcelone. Les lieux changent, l’amitié persiste. Le 5 décembre 2022, c’était aussi la représentation d’Il trittico de Puccini au Liceu. C’est la première fois que je vois les trois opéras ensemble, que je découvre Lise Davidsen, Giorgetta dans Il tabarro. La voix est effectivement spectaculaire. Je l’entendrai en récital, mais j’espère bientôt dans du Wagner, son répertoire de prédilection. Le décor obstrue une bonne partie de la scène, on nous dit que ce tunnel connecte la vie avec l’au-delà. C’est bien joli, mais on en perd autant du champ de vision. Très belle Ermonela Jaho en Suor Angelica et Iván Ayón-Rivas en Rinuccio, un ténor à ne pas perdre de vue… Susanna Mälkki à la baguette, les femmes commencent à devenir visibles au pupitre de direction. C’est tant mieux !



Samedi après-midi, c’est entrée gratuite au MACBA. Je vais voir une performance signée María José Arjona (Bogotá, Colombia, 1973) : En silencio pero juntos.
J’avais failli postuler pour y participer, car la proposition de l’artiste colombienne m’intriguait. « Il s’agit d’une tentative de se tourner vers des actions simples, comme la marche ou la respiration, en tant que mouvements de résistance à une époque où le sacré et le corps lui-même sont en crise », disait-elle. Alors, en simple spectateur, je voulais me rendre compte du résultat. J’y ai découvert une belle équipe et des croquis de l’artiste qui détaillent son travail. Celui-ci se nourrit de ce que nous a laissé María Teresa Hincapié (1954–2008) : Si este fuera un principio de infinito est la première exposition consacrée à la pratique de cette autre artiste colombienne. Il est assez fantastique de s’appeler Hincapié : ce mot, utilisé dans l’expression hacer hincapié, signifie donner de l’importance, mettre en évidence ou insister.


Spécialisée dans ce que l’on pourrait appeler la poétique du domestique, elle donnait de l’importance à des actions routinières pour les transformer en actes symboliques. María Teresa Hincapié avait une définition particulière de la performance, qu’elle appelait entraînement ou formation. Elle recherchait le sacré, le mystique, à travers l’éphémère. Cette visite alimenta ce que j’apprenais de la mystique féminine dans la classe de Victoria Cirlot. La troisième artiste du jour est également née en Amérique du Sud. L’exposition temporaire A Conjunction of Factors est la première exposition à offrir une perspective globale sur l’œuvre de Cinthia Marcelle (née en 1974 à Belo Horizonte, Brésil).


Le chemin me conduit vers une salle que je ne connaissais pas. Là, visible en permanence à travers la façade vitrée, la seconde installation à grande échelle de l’exposition prend la forme d’une station de radio au parterre recouvert de moquette bleu turquoise. J’ai l’impression de me retrouver dans les studios du bord de l’Arve. Mais l’inspiration de Cinthia Marcelle m’emporte encore plus loin. On Air (2019-) met en scène la reprise collective de deux pièces de théâtre : Sortilégio (1951) de l’universitaire, poète, activiste, dramaturge brésilien et fondateur du Teatro Experimental do Negro, Abdias do Nascimento (1914-2011) et Une Tempête (1969), une adaptation critique de La Tempête de Shakespeare par le poète, auteur, homme politique et cofondateur du mouvement de la négritude franco-martiniquais, Aimé Césaire (1913-2008).
Vous souvenez-vous d’Aimé Césaire ? Il nous parlait du théâtre dans mon billet #Off2Africa 94 à Abidjan :
À Barcelone, au lieu de prononcer un dialogue scénarisé, les visiteurs sont invités à ajouter un lien vers n’importe quelle chanson en ligne. La musique choisie sera instantanément diffusée sur scène, déclenchant des changements d’éclairage. Comme les choix individuels se superposent à ceux des autres et les interrompent, cette interaction distante entre les décisions, les personnes et les lieux, produira une performance continue, imprévisible, conflictuelle et cacophonique. John Cage aurait certainement pris part au jeu.



La mi-décembre est le moment de la validation des cours et l’obtention du certificat que la CNL n’envoie jamais à temps. (Cela me fera braire jusqu’à décider de poursuivre mes études de catalan à l’UPF. Plus simple, mieux. Allez, adéu, collons.)
Si le 5 décembre est l’anniversaire de Muriel, le 15 est celui de Sandrine. Toutefois, aux alentours du 23, il y a la visite de Mercedes, le café et les croissants à la maison sur un tabouret de bar branlant (je ne cesse de proposer le canapé, sans toujours obtenir gain de cause), les discussions en format avalanche d’avoir retenu tout cela depuis l’été, les livres ouverts, recommandés, échangés, offerts, prêtés. Les marques-page sautent d’un ouvrage à l’autre. Eux aussi lisent, mais en prenant leur temps. Les conversations ne parviennent jamais à leur conclusion, la lumière du jour convoque. Nous irons d’abord faire la tournée des librairies. Altaïr, Finestres, le vermouth, et cette fois, nous ajouterons une visite à la Fundació Tàpies. Nous avançons toujours lentement, parce que nous parlons toujours vite et beaucoup, pour caser le plus possible de mots dans ces quelques heures passées ensemble. Des kilomètres plus loin, il est bientôt l’heure. Partons en direction de la plage, repérons une table au Xiringuito Xiroi, fem un altre vermut et parlons encore plus vite, disons-nous tout, avant au revoir. Aux alentours du 23 à Barcelone, c’est déjà Noël, le Nouvel-An et les Rois !
En fin d’année, il y a encore des cadeaux sous la forme d’un spectacle signé Pablo Messiez. Après Las Canciones au Pavón Teatro Kamikaze de Madrid (revu au Teatre Auditori de Granollers) et Cuerpo de baile à la Sala Teatre Ramon Romagosa à Cornellà de Llobregat, je vais au Teatre Lliure à Montjuïc pour La voluntad de creer, meilleur spectacle Max 2023.
Un petit teaser, pour vous mettre en bouche :
Puis, pour vous faire saliver comme il convient, le tràiler :
La volonté de croire commence par le retour au pays d’Amparo. Il revient d’Amérique du Sud avec Claudia, sa femme argentine et enceinte, car ils veulent que leur fille naisse en Europe. Dans la maison, les choses vont plus ou moins mal : la sœur aînée, Felicidad (Bonheur, en français), prostrée dans un fauteuil roulant, vit amèrement dans un monde qu’elle ne comprend pas ; Paz (Paix), l’autre sœur, qui se dit « célibataire, poète et ivrogne », ne semble pas non plus passer un bon moment. Enfin, Juan, le benjamin, continue de croire qu’il est Jésus de Nazareth de retour sur Terre. Dans ce contexte familial, la grossesse de Claudia commence à se compliquer…

Pablo Messiez partage toujours les musiques choisies sur lesquelles il travaille. La playlist des Canciones (qui vaut son pesant de caramels mous) et celle de Cuerpo de baile figurent dans mes billets cités plus haut. Voici celle, très succincte, de La voluntad de creer :
Le lendemain, on ira à la FilmoTeca pour La niña de tus ojos (Fernando Trueba, 1998) qui me fera penser à un Papy fait de la résistance, mais à la sauce espagnole :
En 1938, un groupe de professionnels du cinéma espagnols sympathisants du régime insurgé franquiste sont invités par les Allemands à tourner une comédie musicale à l’ambiance andalouse à Berlin…
Comme chez Poiré, ça chante même en allemand chez mon ami Lillas Pastia (c’est à mourir de rire) :
Ça chantait aussi à quelques pas de là, plaça Catalunya, pour La torre de Nadal ou (La torre dels somnis au Liceu). Je suis vite passé y faire un tour pour voir cette production opéra-cirque de l’ouvrage de Puccini. Encore un autre de ces projets, comme En silencio pero juntos, que j’avais caressé brièvement avant d’y renoncer. J’en suis vite reparti aussi, pour aller faire l’ultime promenade sur la plage, tradition de fin d’année.



Ce billet aura donc commencé par Puccini et se terminera avec lui. Cependant, en 2023, nous célébrerons les 100 ans de la naissance d’Antoni Tàpies, les 50 ans de la mort de Pablo Picasso et les 40 ans de la mort de Joan Miró. Il y en aura du programme, du calendrier bien rempli…

#HolaBarcelona décembre 2022
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