#NoVisa — Pasticcio Madras Day

Venez, ô nuages errants ! Répandez l’euphorie en moi. Chennai est illuminée comme une féerie.


Le 22 août 1639, la ville de Madrasapatnam (l’actuelle Chennai), fut achetée aux rois locaux par la East India Company#NoVisa Pasticcio Madras Day

Chennai, capitale du Tamil Nadu, état du sud-est de l’Inde. J’y étais arrivé en pleine nuit, c’était la mousson. La ville était inondée, elle se noyait.

L’eau m’arrivait aux genoux et je pataugeais en allant découvrir le conservatoire. J’avais signé un contrat de quatre mois, j’y suis resté cinq ans. 

Gilles Denizot parlant à ses élèves sur le toit du conservatoire de Chennai en Inde
Sur le toit du conservatoire ; vous reconnaitrez ces élèves dans le final de Pasticcio Madras

À la fin de ces quatre mois, j’écris et mis en scène ‘Pasticcio Madras’ pour mettre en lumière mes élèves, mais également pour raconter mon histoire. Le style choisi me permit de cuisiner un pasticcio dont les ingrédients éclectiques purent se mêler adroitement. Chacun fut mis à contribution et apporta le meilleur de soi et de son art respectif. Voici comment la recette inclut musique électronique, chant hindoustani et carnatique, danse bharatanatyam et opéra baroque…

Pasticcio Madras © 2012 Gilles Denizot

Le 18 avril 2012, A. R. Rahman (mon directeur) assista au Museum Theatre à cet hommage à Chennai, ses nuits d’encre, ses habitants, sa pluie diluvienne et son soleil implacable, ses autos rickshaws et ses pots à eau. Pourtant, le plus doux et insensé souvenir que je garde est que ma sœur avait fait le voyage et se trouvait dans le public.

L’ouverture, une musique électronique originale d’Anurag Sharma, accompagnait l’atterrissage de mon avion, les contrôles, et soudain : le souffle moite qui s’empara de moi à la sortie du terminal, alors que je plongeai dans la rumeur de ce nouveau monde.

Pasticcio Madras © 2012 Gilles Denizot

#NoVisa Pasticcio Madras Day

J’avais découvert la mousson du sud-est asiatique des années auparavant. Mais, en Inde, elle a inspiré d’innombrables poèmes et jusqu’au moins 36 ragas de la famille Malhar, les chants de la pluie. Le nom est dérivé des mots sanskrits mala et hari, qui signifient littéralement « nettoyeur de saleté ».

Il fallait donc mettre en scène Miyan Ki Malhar et y inclure deux danseurs, les musiciens et tous les chanteurs. La scène se passerait à Marina Beach, la seconde plus grande plage urbaine au monde. Treize kilomètres de sable fin et d’échoppes sur roues où l’on se régale d’épis de maïs grillé, de barbe à papa, de chai et de bon kappi local. Je fis intervenir ces fameux pots colorés qu’on utilise pour charrier l’eau puisée dans la rue, et quelques-uns en terre cuite, pour décrire l’espoir, l’attente, la joie de la mousson. Les pêcheurs et les femmes, et surtout cette odeur unique lorsque la première goutte de pluie tombe sur le sol aride.

À Chennai, j’ai dansé sous la première pluie, tué le moteur de ma Royal Enfield, bu du cutting chai et chanté ghaan garajat baadar avec cette version d’anthologie du Coke Studio Pakistan.

© Coke Studio Pakistan (sorry, not sorry)

Même à Barcelone, j’écoute cette version à l’approche de la mousson locale…

Wait for it…

Peu avant la première, on m’avertit que la scène semblait être un plagiat du film Lagaan (लगान), dont Rahman avait signé la musique. À l’époque, je ne l’avais pas encore vu. Je décidai donc de passer outre et maintint ma version Marina Miyan Malhar Monsoon.

Pasticcio Madras © 2012 Gilles Denizot

#NoVisa Pasticcio Madras Day

Pour le final, j’allais même jusqu’à écrire un texte que Sahiljeet Singh adapta pour la chanson originale ‘Girva Badariya’. Sur une musique du groupe d’élèves Niche, ces paroles furent chantées dans toutes les langues des participants : en kashmiri, tamoul, bengali, télougou, malayalam et hindi. Chorégraphie Bollywood ad hoc.

Pasticcio Madras © 2012 Gilles Denizot

Quatre ans plus tard, alors que j’étais à Paris pour renouveler mon visa de travail, l’Inde s’y opposa sans donner de raison et me mis sur la liste noire. Indha thulaindha manidhanirku, engum oru vazhi illaya?

Qui sait si je retournerai à Chennai ? Engu poven? Enn Seiven? Un jour peut-être.

Ayyo yen uyirai naan thulaithu vandhen / Ayyo ondrum puriyaamal thanirthu nindren / Girva badariya / Chadi hai Khumaariya / Chennai Nagariya / Saji re bajariya…

Alas… I lost my love and I came here / Alas… Now I am lost and I stand alone / Come around… Oh hovering clouds / Spread the euphoria in me. / The city of Chennai / Is lit up like a fair.

#NoVisa Pasticcio Madras Day

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