Ça m’a pris d’un coup et, à la fin, Murakami remporta la partie. (Moi aussi, si j’y pense bien.)
Sur le mince zabuton posé au sol, adossé contre un mur de la chambre « Côte Rocheuse et Tempétueuse », l’étrange convive nocturne raconte… #HolaBCN Confessions d’un lecteur persévérant



Ça m’a pris d’un coup et, à la fin, Murakami remporta la partie. Moi aussi, si j’y pense bien. J’ai empoigné le livre et je l’ai lu avec avidité jusqu’à sa dernière page cette nuit. Il m’aura fallu du temps pour y parvenir. Pourtant, dès le titre Confesiones de un mono de Shinagawa, je souhaitai que cette nouvelle ne finisse jamais. Quelle merveilleuse histoire !
Tras mi tercer inmersión en el agua, se abrió la puerta corredera con un traqueteo y entró el mono en el recinto. «Con su permiso», pronunció con voz grave.
Après mon troisième plongeon dans l’eau, la porte coulissante s’ouvrit avec un cliquetis et le singe entra dans la pièce. « Avec votre permission », dit-il d’une voix grave.

Qui ne voudrait pas partager une bière et quelques lamelles de calamar séché avec un vieux singe friand de Bruckner ? Soudain, le raffinement sobre des mots en espagnol m’a convenu. J’y trouvai une adéquation entre la situation et la traduction.
Sur le mince zabuton posé au sol, adossé contre un mur de la chambre « Côte Rocheuse et Tempétueuse », l’étrange convive nocturne raconte et je me trouvai happé dans son récit. La sensation rugueuse du tatami, l’humidité froide de la bouteille de verre, la couleur rosâtre des calamars séchés, le sel qui se pose sur la langue, les effluves de soufre du bain thermal où apparut le singe de Shinagawa…
Honestly, it felt odd to be seated next to a monkey, sharing a beer, but I guess you get used to it.
Honnêtement, c’était bizarre d’être assis à côté d’un singe et de partager une bière, mais je suppose qu’on s’y habitue.

Cela doit être cela le plaisir de la lecture, auquel il faut ajouter l’ingrédient essentiel : l’imagination. Et, ici, de la persévérance. Ou, comme le confesse le narrateur dans la huitième nouvelle Primera persona del singular :
Llámesele deber o mera costumbre, el caso es que proseguí con renuencia, disgustado siempre ante la idea de abandonar la lectura de una novela una vez comenzada, e incentivado por la expectativa de toparme con una sorpresa o giro argumental en las últimas páginas que compensara el tedio precedente, pese a que sé bien que eso rara vez ocurre.
Que ce soit par devoir ou par habitude, le fait est que j’ai continué à contrecœur, toujours mécontent à l’idée d’abandonner un roman une fois commencé, et poussé par l’espoir de trouver dans les dernières pages une surprise ou un rebondissement qui compenserait l’ennui précédent, même si je sais bien que c’est rarement le cas.



Je n’ai pas pu résister à relire Confessions of a Shinagawa Monkey (en anglais cette fois)
Extreme love, extreme loneliness. Ever since then, whenever I listen to a Bruckner symphony I ponder that Shinagawa Monkey’s personal life. I picture the elderly monkey in that tiny hot-springs town, in an attic in a rundown inn, asleep on a thin futon. And I think of the snacks—the kakipi and the dried squid—that we enjoyed as we drank beer together, propped up against the wall.
Amour extrême, solitude extrême. Depuis lors, chaque fois que j’écoute une symphonie de Bruckner, je réfléchis à la vie personnelle de ce singe de Shinagawa. J’imagine le vieux singe dans cette minuscule ville de sources chaudes, dans le grenier d’une auberge délabrée, endormi sur un mince futon. Et je pense aux amuse-gueules – les kakipi et les calmars séchés – que nous avons dégustés en buvant de la bière ensemble, appuyés contre le mur. Confessions of a Shinagawa Monkey (品川猿の告白, Shinagawa Saru no Kokuhaku) The New Yorker. June 1, 2020

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