#HolaBCN Pas à pas

Hier, il n’y a pas eu que des histoires de foie.


J’ai aussi essayé de rester à l’écart des discussions et des conflits afin d’éviter des problèmes. Cela m’a plutôt bien réussi, ma foi… #HolaBCN Pas à pas

Il y a quelque temps, j’étais tombé sur un article relatif au foie et à la colère en médecine traditionnelle chinoise. On pouvait y apprendre que, pour les Chinois, le foie est le siège de la colère. Les colères « rentrées », non exprimées, vont s’accumuler, « s’enkyster », et au fil du temps limiter, bloquer le bon fonctionnement du foie. Inversement des colères explosives et récurrentes, vont le vider de son énergie.

Si je suis moins attiré par les thérapies alternatives de cette partie du monde, je n’en rejette pas les concepts. Pour soulager mes douleurs lombaires à Chennai, j’avais d’ailleurs consulté un acuponcteur. Intéressant bien qu’insuffisant. Toutefois, la médecine traditionnelle indienne, la fameuse Ayurveda, me convient mieux et cela ne m’étonne guère. On m’avait même recommandé de porter une perle à un doigt. Celle-ci octroierait force et paix à l’esprit et minimiserait les effets néfastes de la lune en apportant un équilibre émotionnel dans la vie d’un être humain stressé. Been there, done that.

En Inde, justement, on recense neuf émotions ou rasas. J’avais mentionné ce terme dans mon billet de juillet 2022. Dans ce cas précis, il s’agissait du concept esthétique, de l’essence ou jus d’une œuvre d’art, de l’émotion suscitée par une interprétation. Ces rasas existent aussi d’un point de vue philosophique. J’avais un temps songé à en faire mon travail final pour Philosophy of Emotions, avant de céder à la peur, au doute : 

La série Navarasa (Netflix India, 2021) tente un survol des neuf émotions. Disons-le d’emblée, ça ne vaut pas l’art de Satyajit Ray et sa virtuosité à décliner le concept dans ses films, en particulier The Apu Trilogy.

Mais bon, ça a le goût du Tamil Nadu et du rasam, le jus qui accompagne le riz au boui-boui local, auquel j’ai toujours préféré le sambar. Le sixième épisode s’intitule Roudhram (Raudra – Colère) et, il fallait s’y attendre, la musique est composée par… mon ancien employeur ! In with anger, out with love.

Dies iræ, dies illa, solvet sæclum in favilla

Dans La pratique de la méditation (nouvelle surprise pour qui cliquera sur le lien), Swâmi Sivânanda Sarasvati écrivait :

Quand le désir d’un homme n’est pas satisfait, celui-ci se met en colère ; alors son mental devient confus, il perd la mémoire et l’intelligence, il périt. […] Commencez par faire échec à vos impulsions ou émotions. Chaque fois que paraît le risque d’un accès de colère au cours d’une discussion, cessez de parler. Efforcez-vous toujours de vous exprimer avec douceur, avec des paroles paisibles, que vos paroles soient de velours et vos arguments d’acier ; mais si vos mots sont durs, la discorde s’ensuivra. […] Si vous avez des difficultés à maîtriser votre colère, éloignez-vous tout de suite et faites une promenade d’un pas alerte.

La théorie, c’est bien, mais il faut lui adjoindre la pratique…

Case study: Après avoir longuement tergiversé, j’avais refusé de participer à une audition via zoom. Je courais évidemment le risque de perdre l’opportunité, de sembler difficile, mais je décidai de tenter la maxime “Others respect me because I respect myself”. Une employée de l’agence artistique me téléphone. Je respire profondément et accepte l’appel. En espagnol (alors que la communication s’est jusqu’alors faite en catalan, d’ordinaire, je serais sorti de mes gonds…), je réitère calmement ma requête d’une audition réelle, pas via vidéo. Décontenancée et réticente, la jeune femme balbutie. Je reste affable, accent aussi castillan que possible. C’est finalement la directrice de l’agence qui me confirmera, en catalan, le rendez-vous. Comme quoi, il ne faut jamais avoir peur de demander. Il faut probablement juste oser y mettre les formes.

J’aurais dû faire de même en Inde, ne serait-ce que pour éviter burn-out et panic attacks, la perte de mon travail et de ma vie là-bas. Pour clore ce chapitre (il est grand temps !), il me faut revenir sur mes pas, réaliser ce qui s’est passé, comprendre pourquoi j’ai accepté à contrecœur ce que j’aurais dû refuser (Others respect me because…). Oui, j’aurais d’abord dû penser à moi, mettre mon masque à oxygène avant d’aider mes élèves, et ne pas céder face à mon employeur. Au lieu de cela, je me suis mis en danger et j’en paie les frais depuis huit ans. Mais, à l’époque, j’étais pris de panique rien qu’à l’idée de voyager seul en bus ou en train. Pourtant, contraint et forcé, je me lançai ensuite dans la traversée de l’Afrique de l’Ouest par tous les moyens de transport imaginables…

Dans L’élégance du hérisson, la jeune Paloma comprend ce qui fait toute la force de l’haka, ce chant guerrier Maori rendu célèbre par l’équipe de rugby néo-zélandaise :

Ce qui fait la force du soldat, ce n’est pas l’énergie qu’il déploie à intimider l’autre en lui envoyant tout un tas de signaux, c’est la force qu’il est capable de concentrer en lui-même, en restant centré sur soi. Le joueur maori, il devenait un arbre, un grand chêne indestructible avec des racines profondes, un rayonnement puissant, et tout le monde le sentait.

De petits pas, donc, mais essentiels (on y revient). La forme est une chose, le fond en est une autre. Accepter que certaines choses ne soient pas dites, que d’autres le soient. Accepter le silence, comme la logorrhée. Ne pas gaspiller d’énergie, mais la canaliser et faire en sorte que les paroles soient de velours et les arguments d’acier.

A poc a poc, qu’ils disent ici ; peu à peu, pas à pas.

Vue du campus UPF Poblenou à Barcelone. Cheminée de briques et murs noirs ou ocres. Au fond, ciel et perspective ouverts ©GD24 #HolaBCN Pas à pas

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