Mauvaise nuit, mauvais réveil, il m’a fallu du temps pour retrouver l’équilibre.
Hier, l’interminable film de Kawase avait fini par me lasser. Mais j’étais épuisé… #HolaBCN Vaste silence

En 2009 déjà, le bruit s’était imposé comme la principale nuisance environnementale en Europe, et l’OMS présentait ses recommandations :
La nouvelle limite est une exposition nocturne annuelle moyenne ne dépassant pas les 40 décibels (dB), ce qui correspond au bruit émis dans une rue tranquille d’un quartier résidentiel. Les dormeurs exposés toute l’année à des niveaux plus élevés peuvent subir de légers effets sur la santé, tels que troubles du sommeil et insomnie. Être exposé durant une longue période à des niveaux moyens supérieurs à 55 dB, ce qui équivaut au bruit d’une rue fréquentée, peut faire monter la tension artérielle et provoquer des crises cardiaques. Un Européen sur cinq est régulièrement exposé à de tels niveaux de bruit.
Vaut mieux entendre ça que d’être sourd… Et depuis 2009 ?
En juin 2022, je me joignais, masqué, à une manifestation #ProuSoroll devant l’Ajuntament de Barcelona
Un an plus tard, l’exposition Shh… expliquait, à qui voulait bien l’entendre, le pourquoi du comment.
40 décibels, c’est ce qu’on appelle un vœu pieux. Pour replacer les choses dans leur contexte, une sirène d’ambulance produit quelque 100 dB. Le taux limite à cette exposition est de 24 minutes sur une période de 7 jours. Un concert de rock, comme ceux du RazzmatazzMeMata dont les basses font vibrer jusqu’à mon matelas 6 nuits sur 7, de 19:00 à 6:00 du matin, cause 110 dB. Au bout de 4 minutes de ce vacarme, le seuil hebdomadaire est franchi. Ite, missa est. Que cet établissement soit autorisé à laisser les portes ouvertes sur une terrasse en plein air où les sauvages fument et hurlent jusqu’à l’aube pulvérise l’entendement. Pendant ce temps, l’imbécile heureux censé régir le district ne fait que répéter Ja veurem què passa… (on verra bien ce qu’il se passera…) après chaque nouvelle directive inutile. Aux prochaines municipales, il faudra le virer de son trône.



Heureusement, les voisins lobotomisés ont enfin levé le camp ; les nouveaux semblent placides, c’est déjà ça de gagné. Ce matin, j’ai peu à peu retrouvé l’équilibre. Les sauvages avaient été jetés sur la chaussée, les touristes de l’hôtel étaient encore endormis, la terrasse ne diffusait pas encore la sauce sonore insipide quotidienne, seuls les camions de la voirie se faisaient entendre tandis que les oiseaux voltigeaient en paillant.
Playlist Ocean Waves (les rares sons que je suis capable de supporter ces temps), thé japonais du pauvre, énorme joint de CBD (autorisé par l’Ajuntament) et livre du moment… le décor est posé pour reprendre pied. Véra se chauffe au soleil, posée en équilibre précaire sur le rebord de la fenêtre. J’ouvre L’élégance du hérisson en page 99 et qu’y lis-je ?
Il ne lui serait jamais venu à l’esprit spontanément que quelqu’un puisse avoir besoin de silence. Que le silence serve à aller à l’intérieur, qu’il soit nécessaire pour ceux qui ne sont pas intéressés que par la vie au-dehors, je ne crois pas qu’elle puisse le comprendre parce que son intérieur à elle est aussi chaotique et bruyant que l’extérieur de la rue. Mais en tout cas, elle a compris que j’avais besoin de silence et, par malheur, ma chambre est à côté de la sienne. Alors, à longueur de journée, elle fait du bruit. Elle hurle au téléphone, elle met de la musique très fort (et ça, ça me tue réellement), elle claque les portes…
(On dirait mes anciens voisins.)
Je m’immerge dans cette histoire avec autant de délectation que je sirote mon Genmaicha.
Arrivé en page 107, Renée (la concierge de l’hôtel particulier, sis 7 rue de Grenelle) mentionne le Livre du thé et déclare :
Alors, buvons une tasse de thé.
Le rituel du thé, cette reconduction précise des mêmes gestes et de la même dégustation, cette accession à des sensations simples, authentiques et raffinées, cette licence donnée à chacun, à peu de frais, de devenir un aristocrate du goût parce que le thé est la boisson des riches comme elle est celle des pauvres, le rituel du thé, donc, a cette vertu extraordinaire d’introduire dans l’absurdité de nos vies une brèche d’harmonie sereine. Oui, l’univers conspire à la vacuité, les âmes perdues pleurent la beauté, l’insignifiance nous encercle. Alors, buvons une tasse de thé. Le silence se fait, on entend le vent qui souffle au-dehors, les feuilles d’automne bruissent et s’envolent, le chat dort dans une chaude lumière. Et, dans chaque gorgée, se sublime le temps.
Le Livre du thé, de Kazuko Okakura… Voilà un bouquin que j’ai bu jusqu’à plus soif.
À ce moment et brusquement, il s’est fait un vaste silence. Aucun son n’existait au-dehors, ni le bruissement des feuilles dans le vent, ni les gazouillis des oiseaux, ni le temps qui passait. Enfin.
Hier, l’interminable Sharasôju (Naomi Kawase, 2003) avait fini par me lasser. Mais j’étais épuisé, j’aurais dû faire la sieste. Après tout, c’est une tradition nationale et en tant qu’espagnol, il est de santé publique de s’y adonner. J’y vais de ce pas, car ce soir ce ne seront pas moins de trois films japonais à la FilmoTeca :
Ni tsutsumarete | Kya ka ra ba a (Kawase, 1992, 2001) et le délicieux An (Kawase, 2015) que je retournerai voir mardi… Tu vois ces p’tits Dorayakis, je peux en manger à satiété !

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