Avoir d’autres yeux, écrivait Proust.
Samedi matin. Un jardinier et son apprenti installent des plantes vertes sur la terrasse de l’hôtel en contrebas. Une gamine hurle, un costaud torse nu à l’épaule droite tatouée peine à passer sa ceinture dans les boucles de son jeans. Je lis Kafka on the Shore, mon dernier Murakami… #HolaBCN Des choses simples

Après les nouvelles d’after the quake, que j’ai appréciées pour les avoir tant attendues, j’entre peu à peu dans cette nouvelle histoire. L’un des personnages s’appelle Crow, ou plus exactement the boy named Crow. Après un rat, un singe, un mouton sauvage et une grenouille, gardons-nous d’imaginer qu’il s’agisse réellement d’un corbeau. Il me reste près de 500 pages pour préciser la chose.
J’écoute l’Adagio non troppo du quatuor pour piano Nº 2 en sol mineur, Op. 45 de Gabriel Fauré. Je lis qu’il pleut, que les gouttes sur les vitres du bus de nuit qui file entre Tokyo et Takamatsu floutent les lumières au loin. À minuit, l’adolescent dont j’ignore encore le nom n’a plus quatorze ans, mais quinze. J’écoute l’Andante moderato de la Symphonie Nº 6 en la mineur de Gustav Mahler. Je m’interromps au milieu, enfile un short et sors.
La pluie est proche, quelques gouttes tombent. Peu importe si je rentre trempé, cela fait si longtemps qu’il n’a pas plu. Quel étrange sentiment que d’attendre l’eau du ciel, cela ne m’était plus arrivé depuis Chennai. La rue de Tanger est inondée de massifs orangés qu’on dirait sauvages. Des fleurs d’une belle couleur vive, des boules de flammes. La boulangerie rue de Bolivie est encore ouverte. J’entre et salue en espagnol, ils sont charmants. Je me risque à une blague et tous éclatent de rire, moi avec et je ressors.
Une chose toute simple. Et pourtant, j’ai la sensation physique d’être vraiment là, debout sur le trottoir, entouré de gens. Je ne suis pas dans ma bulle, du moins à ce moment précis. Un contre-évènement banal de la vie quotidienne, qui cependant m’étourdit.


Pour rentrer, je décide de changer de chemin. À gauche, le Museu del Disseny, à droite un raccourci entre la Bolivie et Tanger. Au coin de la rue, le feu est rouge, les fleurs orange. Trois personnes traversent, une femme m’interpelle (en catalan, directement) et me demande si je connais le nom de la plante. Nous échangeons quelques phrases, un bourgeon de conversation. J’avais du pain à la main, je devais habiter le quartier et donc parler catalan. Pourquoi n’est-ce pas toujours aussi évident ? Ensemble, nous avons identifié l’inconnue : une Leonotis leonurus, de la famille des menthes, ce qui convient idéalement au Carrer de Tànger ! On s’étonne tout de même des caractéristiques de cette queue de lion : une résistance modérée à la sécheresse, des infusions contre les hépatites virales, et l’effet calmant similaire au cannabis lorsqu’on fume ses feuilles et fleurs séchées…

Qu’y a-t-il ce soir à la FilmoTeca ? The Fabelmans (Steven Spielberg · 2022 · 151′), je ne l’ai pas encore vu. Sur le plan de salle, je note que Juan et ses parents y seront aussi, cela m’amuse toujours autant. Le motif champêtre de l’Andante moderato reprend…

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