La FilmoTeca proposait ‘Born a King’ (Agustí Villaronga · 2019 · 109′), l’aventure du jeune prince héritier saoudien en mission diplomatique à Londres.
J’étais en 1912, un blend entre Downton Abbey et Lawrence of Arabia. Un film passionnant qui m’a changé les idées avant de dormir et d’affronter ce qui allait suivre. Mon journal gardera la trace d’une journée difficile, puisque cela fait des mois que j’y consigne la teinte émotionnelle quotidienne… #HolaBCN L’homme aux multiples mondes



HIER
J’avais rendez-vous à l’hôpital pour me soumettre à un examen que je n’aime pas particulièrement. Il y a deux ans, je passais pour la première fois entre les mains de ce docteur, au demeurant excellent (le genre de type qui jette une ombre sur ton Indice de Masse Corporelle et ton bilan de vie, un homme hâlé, sportif, à la dentition étincelante, mais qui prodigue des soins irréprochables et une attention rassurante). Son assistant m’avait alors houspillé parce que je n’utilise pas whatsapp et qu’il n’avait pas pu me transmettre les résultats de la biopsie, qui de toute manière était flous et qu’il me fallait revenir faire l’examen. Quand le corps médical t’annonce qu’un résultat est flou, tu peux être certain que le ciel va incessamment sous peu te tomber sur la tête. Been there, done that, des clous et des vis, je ne me suis pas présenté au rendez-vous suivant. Deux ans plus tard, j’ai accepté. C’était donc hier. Le stress avait déjà commencé quelques jours auparavant, évoluant jusqu’à l’angoisse en frappant à la porte 0 de la salle M de l’annexe au rez-de-chaussée du bâtiment A. Une petite salle d’examen dans laquelle étouffaient déjà trois personnes. Un guet-apens, une prise à la gorge.
En plus du médecin s’y trouvait un interne qui jouait à « je suis là pour observer bien que je n’ai rien à apprendre, je devrais déjà être chef de service, car je suis éminemment intelligent ». Les futurs patients ont du souci à se faire…
S’y trouvait aussi une infirmière à la crinière teinte Rouge Framboise A12, mais qui fut plus que charmante. Elle me posait la main sur le corps, calmement, quand elle me sentait tendu ou voyait que j’avais mal. Elle m’offrit des pansements supplémentaires, parce que je saignais encore au moment de sortir. Elle me regardait droit dans les yeux, avec douceur, et je plongeais dans les siens, sans un mot, en plein entendement tacite. L’empathie pure. Les futurs patients n’ont aucun souci à se faire…
Sorti de là, j’achetai mon encens indien, des fruits et légumes bios avant de rentrer m’enfermer à la maison. J’annulais tout ce qui figurait sur l’agenda et je m’endormis pour me réveiller le soir. Comme la journée n’était pas terminée, on eut encore droit à une power cut qui dura jusqu’au matin. Ambiance Chennai à Barcelone, mais hier n’est plus que poussière…
AUJOURD’HUI
Après avoir relancé le courant, j’ai repris la lecture de Kafka on the Shore. Au chapitre 6, j’ai compris que j’allais enfin faire la connaissance de Monsieur Nakata, un étrange vieillard amnésique et analphabète, qui sait parler aux chats et comprend leur langage, qui quitte Tokyo et prend la route… Je l’avais annoncé dans un billet antérieur :
Je me suis alors senti si heureux, du sentiment que j’éprouvais à chaque étape-clé de mon voyage #Off2Africa : Essaouira, Dakar, Conakry, Abidjan. Ma tradition était de boire une bière locale à la santé du voyageur en solitaire et des peuples qui l’accueillaient temporairement. Comme cela fait deux mois que je ne bois plus d’alcool, et qu’il était bien trop tôt pour décapsuler une bière 0% au citron, réservée aux occasions spéciales, je me suis servi une autre tasse de thé vert et j’ai entamé le chapitre.
« Hello there, » the old man called out.
The large, elderly black tomcat raised its head a fraction and wearily returned the greeting in a low voice.Haruki Murakami, Kafka on the Shore, chapitre 6
À la fin du chapitre, j’ai su que je devais le relire encore pour subsister dans cet univers d’acceptation de la vie et de son étrangeté.
Cependant, la session de groupe du jeudi matin approchait… Un moment durant lequel il nous est permis de dire notre malaise, un rendez-vous que pour rien au monde, je ne manquerais. Évidemment, le chemin pour m’y rendre fut jonché de barrages divers et variés. Je suis arrivé quelques minutes en retard (je déteste) et sans le souffle. En saluant le groupe, j’ai senti un grand calme me submerger, sous l’empathie de tous les participants, et je me suis apaisé presque instantanément, sans y penser.
Je reçus l’instruction de représenter mon malaise émotionnel. Le dessin ! La phobie bien connue de la feuille blanche n’est pas, chez moi, l’écriture. C’est que je ne sais pas dessiner, ma sœur ayant toujours assumé cette capacité au sein de la fratrie. J’ai pris une grande respiration en visualisant l’image que j’avais déjà en tête, choisi quatre crayons (un noir, un bleu, un orange, un rose) et me suis lancé. Ma voisine me jeta un regard inquiet que je ne remarquai pas sur le moment. J’ai griffonné le papier dans un élan spontané et certain, et… voilà :

Puis, chacun expliqua le pourquoi du comment. L’un d’eux dit que j’étais un hombre de muchos mundos. Je repensais à cette classe d’espagnol à Tanger. C’était le 20 mars 2018. Mercedes, absente ce jour-là, s’était fait remplacer par une illustre descendante des Espagnols tangérois, ceux qui ont un pied sur chaque rive du Détroit. Ils sont merveilleux, ils ont des histoires à raconter, ils parlent aussi bien la langue de Cervantes que celle de Choukri. L’exercice consistait à écrire notre biographie et à nous représenter visuellement. Je n’étais que débutant en espagnol et nul en dessin. Néanmoins, la première phrase qui accompagnait ces maigres traits dans mon cahier fut : Viví muchas vidas…


Alors, aujourd’hui, encore ému par le partage avec mes compagnons, L’homme aux multiples mondes n’a pas longé la côte à bicyclette, torse nu et au vent, comme les semaines précédentes. Je suis rentré dormir. Ces séances me remuent tellement que je n’arrive plus à écrire sur l’Inde. Je l’avais prévu, mais je n’y parviens pas, le jeudi du moins. La troisième histoire A Life in India sortira quand j’aurai réussi à faire le tri entre les souvenirs et les mots accumulés sur une page jadis blanche…

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