Je m’étais éveillé avant l’aube.
Puis j’étais retombé dans le sommeil. Alors, les souvenirs s’étaient mêlés aux images, les saveurs aux sons, les mots aux notes. Ni cauchemar, ni songe, sinon rêve endormi… #HolaBCN Rêvons

La fête bat son plein. La foule attend le début du concert, assise dans les gradins de l’amphithéâtre. La pluie s’immisce, se retire, menace. J’emprunte une ruelle pavée et étroite qui grimpe en serpentant entre des bâtiments de pierres humides. Un portique à demi caché sous la végétation. Pénétrer dans un espace en rectangle, au centre un bassin de plantes, mais réalisation instantanée que l’espace est fermé. En ressortir immédiatement, rebrousser chemin. N’avais-je pas vu une enseigne ? Au premier étage d’une maison, il y a un restaurant indien. Sur le seuil, des affiches vantant les bienfaits du chai. Sur chacune, un visage et une citation. Gros plan sur la tête d’un commissaire divisionnaire genre Ashok Nagar Police Station et la phrase : « Un verre de chai est comme le corps d’une jeune fille. »

Je cadre l’objectif quand apparaît dans l’image, comme si la caméra s’était subitement retournée, le visage d’une adolescente indienne en habits traditionnels. Elle s’inscrit dans la scène que je m’apprête à photographier, elle me sourit avec candeur. Soudain, derrière elle, toute sa famille : la matriarche déjà veuve au visage buriné, la mère grassouillette au front serein, le père au corps de prêtre hindou, l’aréopage d’Uncles et d’Aunties, dans les interstices se sont glissés des gamins rieurs et des fillettes sages aux nattes tressées. Tous tiennent des plats, la nourriture est colorée, diverse, chaude. Quand je me rends compte qu’ils sont tous là avec l’adolescente au premier plan, j’apparais dans le cadre. Nous sourions, sans un mot, mais un rire est proche d’éclater.

Nous sommes tous sur une moto. Comment pouvons-nous nous tenir, tous, sur une moto qui roule ? Mystère onirique. Mes mains sont posées sur un grand sac de riz que j’empêche de tomber. Le père dispose des samosas sur une assiette, la mère y dépose une cuillerée de chutney avant de tendre le tout au passant. Ce dernier est immobile alors que nous roulons. Je dis la phrase : Main Mumbai se hoon…
Réveil en sursaut.
J’avais donc rêvé.
Vite, jeter les mots sur le papier avant qu’ils ne se vaporisent. Puis, assembler les pièces du puzzle :
Amphithéâtre Grec de Barcelone, Sasha Waltz annulé pour cause de pluie, ruelle pavée Édimbourg, portique jardin Paseo de los Cipreses à Grenade, espace rectangulaire du Teatro del Generalife et spectacle García Lorca, cutting chai pour temps de mousson, poste de police Chennai, figures féminines, moto qui roule, chutney de mangue, Main Mumbai se hoon, je viens de Mumbai…
Maelström de souvenirs et kaléidoscope d’images qui s’entrechoquent jusqu’au réveil en sursaut.

Se tranquilliser par la rêverie :
rêverie n. f.
nom féminin
Images, associations qui viennent à l’esprit lorsqu’on est éveillé.
synonyme imagination; songerie.
Je m’étais éveillé avant l’aube. J’avais lu quelques pages de Murakami ainsi que trois billets de blogs : un récit de voyage en Asie centrale, un compte-rendu de Tristan und Isolde à Bayreuth et une critique littéraire à propos de Makenzy Orcel.


Puis j’étais retombé dans le sommeil. Alors, les souvenirs s’étaient mêlés aux images, les saveurs aux sons, les mots aux notes. Ni cauchemar, ni songe, sinon rêve endormi.
La Träumerei de Schumann me fait toujours penser à Ludwig (Luchino Visconti · 1972 · 264′). Dès que j’en entends un passage, je suis transporté à Bad Ischl, sous la neige…
De la rêverie, je glisse immanquablement vers Richard Wagner, la vision nocturne de l’acte II de Tristan, la chevauchée, l’enchantement des bois enneigés…
De la forêt descend le brouillard qui engloutit Neuschwanstein, où se terre Ludwig…
Et alors, il pleura longtemps. Il nous avait chassés de la chambre. Mais nous l’entendions quand même. Il pleurait et souvent, il criait…

#HolaBCN Rêvons
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