Chacun fait ce qu’il lui plaît.
Observée à travers une fenêtre incurvée, une personne est assise sur un banc à Barcelone, complètement absorbée par son téléphone. La scène est encadrée par des arbres, tandis que quelques personnes se promènent tranquillement en arrière-plan… #SilentSunday À travers

Et si c’était un livre au lieu d’un téléphone ? Imaginez… Une campagne anglaise légèrement détrempée ou une colline ponctuée de cyprès en Italie. Un banc sur lequel est assise une femme, les rubans de sa crinoline flottant au vent. Dans ses mains, un livre à la reliure ancienne qu’elle tient du bout des doigts et que parfois, elle repose sur les plis de l’étoffe le temps d’en mémoriser quelques lignes…
Chacun fait ce qu’il lui plaît.
Moi, je suis allé au CCCB pour découvrir World Press Photo 2024, la vingtième édition de l’exposition mondiale la plus renommée dans le domaine du photojournalisme. La photo de l’année montre une femme palestinienne serrant dans ses bras sa nièce tuée par un missile israélien. Outre le conflit entre Israël et la Palestine, les projets gagnants abordent également la guerre en Ukraine, la crise climatique, les questions de santé mentale, les migrations ou les liens familiaux…
La sélection de cette année comprend des histoires de désespoir, de faim, de guerre et de perte, mais aussi de persévérance, de courage, d’amour, de famille, de rêves… et plus de papillons que personne ne pourrait imaginer.
Joumana El Zein Khoury, directrice exécutive World Press Photo Foundation
Chacun fait ce qu’il lui plaît, mais ça rigole pas tous les jours.
Il y a l’horreur de ces trois gamins qui regardent une pomme que leur mère a rapportée après avoir mendié dans un camp de personnes déplacées, à la périphérie de Kaboul… Afghanistan on the Edge (Ebrahim Noroozi)
Il y a Mesut Hançer qui tient la main de sa fille Irmak, 15 ans, tuée pendant son sommeil lorsque la maison de sa grand-mère s’est effondrée lors d’un tremblement de terre en Turquie. Est-ce de la douleur ou de la colère grandissante ? A Father’s Pain (Adem Altan)
Il y a Alassane Sow, qui avait 30 ans. Contre l’avis de sa tante, le jeune Malien a pris place dans une embarcation de fortune à Nouadhibou (Mauritanie). Partis dans la nuit du 12 au 13 janvier 2021, les 43 passagers seront retrouvés sans vie en mai, au large de Tobago dans les Caraïbes. Adrift (Felipe Dana and Renata Brito)
Puis, il y a la sécheresse la plus intense qu’ait connue l’Amazonie, en 2023, et qui affecte de manière disproportionnée les communautés indigènes, rurales et fluviales. Du fleuve, il ne reste qu’un désert à perte de vue. Drought in the Amazon (Lalo de Almeida)
À Caracas, le soleil perce l’enchevêtrement de cables qui dansent au-dessus d’une scène de rue. Mais, derrière cet éclat lumineux apparait la foule affamée à la recherche de nourriture dans la décharge. Red Skies, Green Waters (Adriana Loureiro Fernandez)
Il y a la Tunisie, vue à travers les pupilles désabusées de sa jeunesse, The Escape (Zied Ben Romdhane) et, au Japon, la silhouette d’une personne à moitié transparente, assise là où Shigeo Mori aimait aller. « N’est-ce pas un endroit agréable ? » avait-il dit à sa femme, Itoko. Heartstrings, Chapter II: Walking Together (Kazuhiko Matsumura)
Chacun fait ce qu’il lui plaît, alors, je choisis trois portraits dont la lumière intérieure m’attire plus que d’autres :
la tendresse envers le vieux Dada Paul à Madagascar, (Valim-babena, Lee-Ann Olwage) ; l’amour envers et contre tout de Rosa et Ruben, les deux migrants sur le toit d’un train (The Two Walls, Alejandro Cegarra) et enfin, l’image qui m’a touché plus que toutes les autres :
Kibrom Berhane, 24 ans, qui salue sa mère pour la première fois depuis qu’il a rejoint les Forces de défense du Tigray (Éthiopie), deux ans plus tôt. Il a perdu sa jambe un mois avant l’accord de paix ; on ne pourra que le soupçonner en remarquant la béquille. On ne verra pas plus le visage de la mère, enfoui dans le cou de son fils dont toutes les peines semblent s’évanouir dans l’étreinte de l’amour maternel. Les plissés de l’étoffe blanche, la main posée sur l’épaule, le corps entier qui s’y appuie. Cette image continue de me bouleverser… (Returning Home from War, Vincent Haige)
Chacun fait ce qu’il lui plaît.
À deux pas de cette personne assise sur un banc à Barcelone, complètement absorbée par son téléphone, il y a le dyptique « Sans titre » de Salva López. À gauche, une chaise blanche en plastique tournée vers l’horizon (une variante de ma terrasse tangéroise), à droite, une montgolfière rouge dont on ne sait si elle se gonfle ou se dégonfle sur fond de terre et de ciel.
Clic, la photo #SilentSunday est toute trouvée…

#SilentSunday À travers
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