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Maria, La traviata et 7 Deaths of Maria Callas, voici le contexte de ce billet… #HolaBCN Callas à la source

La traviata au Liceu, le retour © 2025 Gilles Denizot

Je n’irai pas voir le biopic Maria (Pablo Larrain · 2024 · 124′), dans lequel Angelina Jolie joue à la cantatrice. En revanche, j’ai assisté hier au Liceu à une représentation de La traviata (production David McVicar). Enfin, toujours au Liceu mais en 2023, j’avais applaudi à tout rompre la distribution de 7 Deaths of Maria Callas. Voici le contexte de ce billet.

Premier acte : le film

Il suffit de dire que Netflix produit le long métrage et que le réalisateur s’écarte évidemment de la réalité pour privilégier les aspects plus sensationnels (fair game à Hollywood). Par ailleurs, depuis Changeling (2008), je ne regarde plus aucun film de Clint Eastwood ni d’Angelina Jolie. Leur position assumée en faveur de la peine de mort les placent dans un camp qui n’est pas le mien. Certes, on avancera que la scène de la pendaison est insupportable au point d’en faire un plaidoyer pour l’abolition de la peine capitale. Cependant, j’ai tant d’autres films à voir (cette semaine, rien que huit titres au programme) que je peux aisément me passer d’un biopic.

Second acte : l’opéra

Nadine Sierra hier au Liceu. La traviata, dans la production de David McVicar, salle comble bien sûr. J’ai eu le plaisir de discuter avec mon voisin, abonné comme moi. Je le salue en catalan (je sais que c’est sa langue maternelle), il me répond en espagnol et nous poursuivons dans cette langue. C’est un homme cultivé, amateur d’art lyrique, c’est à peu près tout ce que je sais de lui actuellement. Nous en venons à parler de certaines productions vues au Liceu et quand il cherche à évoquer un spectacle de danse à la fin de la saison précédente, je lui suggère Sasha Waltz. Je cite d’abord le nom de l’œuvre en espagnol, mais reformule en donnant le titre exact : Le Sacre du printemps. Il me dit alors : vous êtes Français ? Non, Espagnol, mais, bien que je les parle toutes deux, le castillan ou le catalan n’ont jamais été mes langues maternelles. Il sourit et me dit – dans la langue d’Alexandre Dumas fils – qu’il a fait ses études au Lycée français de Barcelone et bifurque directement sur le catalan. Depuis, c’est dans cette langue que nous discutons. (Tout cela m’amuse beaucoup.)

Nadine Sierra, donc. Quelle voix, mais quelle voix ! Au premier acte, elle porte une robe de velours aubergine. Ainsi est son chant : velouté, pulpeux, sombre et brillant à la fois. Elle peut tout faire, malheureusement, elle en fait… trop. Suis-je en train de me contredire ? Peut-être. Il y a des moments réellement excitants pour un connaisseur de La traviata. Des phrasés totalement différents de ceux qu’on a en tête, des (re) découvertes de ce que la partition peut receler, des émerveillements face à la qualité de l’instrument et la technique de l’artiste. Toutefois, je ne suis pas certain que de tenir toutes les notes parce qu’on en a la capacité apporte un supplément à ce qu’a écrit Verdi. Une réplique anodine du type : Silenzio – va’ all’istante ne demande précisement pas à être ponctuée d’une ronde avec diminuendo et point d’orgue ad libitum. Tout est ainsi étiré, languide ou véhément, mais étiré jusqu’au dernier souffle. En contrepartie, les passages rapides assumés par l’orchestre et le chœur sont pris à une vitesse vertigineuse, probablement pour compenser (c’est l’effet rubato, on vole du temps d’un côté, on en rend de l’autre). Enfin, et c’est vraiment insupportable, cette manière de glisser des feulements, des grognements, des sanglots, des rires, des soubresauts, des hoquets, des hauts-le-cœur (pas uniquement au dernier acte, mais tout le temps). Verdi n’est pas vériste, mais ça fonctionne avec le public. Dans l’air Addio, del passato… la phrase finale (si difficile, on en convient) Ah! – Tutto, tutto finì, or tutto, tutto finì devient Ah ouin ouin, tuttohhh finiiiiii hi hi hi, etc. avec pleurs et râles entre chaque mesure. Franchement, ça n’ajoute rien au drame, ça en enlève plutôt. J’dis ça, j’dis rien, j’ai probablement trop (encore cet adverbe) chanté ces ouvrages. On écoutera plus bas une version magnifique et… sobre.

Troisième acte : l’hommage

Je l’ai déjà écrit ici, 7 Deaths of Maria Callas au Liceu en 2023 fut une soirée inoubliable. Véritable offrande d’une immense artiste à une autre, l’œuvre fut conçue à l’origine comme un hommage cinématographique à la cantatrice. Près de 30 ans après en avoir eu l’idée, Marina Abramović réalisa son projet Seven Deaths et en fit un opéra qu’elle mit elle-même en scène.

Je suis tellement consciente que c’est la dernière partie de ma vie. De combien de temps disposons-nous réellement et comment traduire ce que nous avons fait dans notre vie pour les générations futures ? Cela me préoccupe beaucoup, dira-t-elle en 2018.

Attendu depuis sa création en 2020 au Bayerische Staatsoper de Munich, 7 Deaths of Maria Callas de (et avec !) Marina Abramović apparut au firmament du Liceu. Le spectacle figurait dans ma formule d’abonnement ; tu m’étonnes ! J’allais donc VOIR la grande prêtresse de la performance, pour de vrai sur scène, en action, en concentration aiguë, en Assoluta. Après avoir lu, étudié et enseigné son Artist’s Manifest… le moment vint.

Sept héroïnes (époustouflante Leonor Bonilla en Lucia aliénée) et la Callas. Sans oublier le partenaire masculin idéal (depuis qu’Ulay n’est plus) : un Willem Dafoe immense sur l’écran. Enfin, la musique originale de Marko Nikodijevic pour tisser les scènes de Bellini, Bizet, Donizetti, Puccini et Verdi.

Le rideau retombé sur les trois actes, je pense que pour aller à la rencontre de Callas, le mieux est encore de l’écouter à la source.

Par exemple dans Maria by Callas (Tom Volf · 2017) :

Avec Maria Callas, Fanny Ardant and Joyce DiDonato…

Et, évidemment, grâce aux enregistrements qu’elle nous a laissés. Ici, une version de l’air Addio, del passato déjà mentionné :

Version sans pleurnicheries

En bis, un extrait live de l’acte II (avec le baron Douphol, incidemment le rôle dans lequel je chantais pour la première fois l’ouvrage…)

La Callas, en live!
Salut final de La traviata au Liceu, Nadine Sierra en robe blanche inclinée devant un rideau bleu

Photo de couverture : salut final de la production La traviata, David McVicar, Liceu 2025

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