J’ai pour seul désir le ciel, là-haut, et la route qui s’en va
Pour mon dernier jour à Conakry, la nature m’a offert un spectacle aussi époustouflant que significatif. Dans le ciel gris matinal, peu après sept heures, un nuage allongé est apparu en glissant. J’y ai vu un crocodile… #Off2Africa 81 Conakry Guinée
Victor Hugo écrivait dans « Les travailleurs de la mer : les rochers » :
Examinez les nuages ; toutes sortes de visages s’y dessinent
Quand nous étions enfants, nous aimions examiner les nuages et y deviner des formes, vous en souvenez-vous ? Cela ne change pas pour certains adultes. La transformation permanente du nuage nous parle d’éphémère, ma grande leçon de 2016 : rien ne subsiste, même ce qui m’est le plus cher. Alors puisque le nuage est aussi symbole de régénération, comme un enfant je regarde le ciel et laisse mon esprit rêver, voyager…
« La simple contemplation des nuages transpose l’homme dans une rêverie, un état second, provoqué par l’expérience vertigineuse de suivre leur mouvement par le regard. » Karin Becker, Les discours sur les nuages dans la littérature française, Géographie et cultures
Je vagabonde en pensée vers Bamako, ma prochaine étape, dont l’emblème représente justement trois caïmans d’or sur fond rouge. Mon nuage semble se préparer à plonger dans le bel océan, juste en face de moi. J’ai passé tant d’heures à en contempler l’horizon, là où l’eau et le ciel se rencontrent, que je ne vois pas le crocodile nébuleux s’estomper. Quand je refais surface, il a disparu.
En Inde, le makara (मकर), un animal aquatique du bestiaire mythologique, est considéré comme une créature propice liée à la fécondité. Il est également la monture ou vâhana de la déesse Gangâ, ainsi que celle du dieu des eaux, Varuna, et présente une denture de crocodile. Varuna (वरुण), le dieu ciel dans le védisme, est aussi le dieu de l’océan pour les hindous.
« Fixant mes regards au ciel, je commençais une incantation. Je montais avec ma magicienne dans les nuages […] j’allais, au gré des tempêtes, agiter la cime des forêts, ébranler le sommet des montagnes, ou tourbillonner sur les mers. […] Je devenais le nuage » François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe I, 227-228, cité par Karin Becker.
Comme mon crocodile fugitif dans le ciel, je m’apprête à reprendre mon chemin, toujours en mouvement, en transformation. En nomade, j’irai par les routes de Guinée jusqu’au Mali comme le vagabond de Robert Louis Stevenson dans son recueil Songs of Travel, mis en musique par Ralph Vaughan-Williams :
Que s'abattent les coups qui me sont destinés,
Advienne ce qui devra ;
Mais donnez-moi la face de la terre
Et la route qui m’attend.
« Alors, nuage errant, ma haute poésie / Vole capricieuse et sans route choisie, / De l’occident au sud, du nord à l’orient, / Et regarde, du haut des radieuses voûtes, / Les cités de la terre, et, les dédaignant toutes, / Leur jette son ombre en fuyant » Victor Hugo, Feuilles d’automne, cité par Karin Becker.
J’ai pour seul désir le ciel, là-haut, et la route qui s’en va…
#Off2Africa 81 Conakry Guinée
Mardi 14 février 2017
Durant #Off2Africa, j’avais pour habitude de ne partager qu’une photo par jour, sans légende.
Celle du jour figure en haut de ce récit ; en voici d’autres…
de ci, de là 