Sur un bord de fenêtre, un pot blanc et un verre rempli d'eau et de moitiés de citron ©GD 24 #HolaBCN Le bonheur, guapo
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#HolaBCN Le bonheur, guapo

Une nuit sans bruit, toutes fenêtres ouvertes, ininterrompue, c’est le bonheur.


J’avais lu quelques chapitres de L’élégance du hérisson, tandis que Toyohiko Satoh ciselait des sons sur son luth. Lumière éteinte, les vagues de l’océan berçaient l’espace. J’étais reposé et calme au réveil. Voilà donc un ingrédient aussi naturel qu’essentiel… #HolaBCN Le bonheur, guapo

Dégradé du bleu clair au jaune canari durant le lever de soleil à Barcelone #HolaBCN Le bonheur, guapo
#HolaBCN Le bonheur, guapo

Le soleil matinal inondait mon coin lecture. De chapitres en gorgées de thé, pour une fois, je n’espérais pas me tranquilliser. Je l’étais déjà. Cet état est devenu si rare qu’il me sembla presque incongru. Je respirais pourtant, d’un mouvement profond et instinctif. Le souffle est mon plus grand supplice. À la sensation physique d’étroitesse se colle l’idée d’impotence. S’il y a bien une faculté que je maîtrisais, c’était celle de la respiration. Je n’avais fait qu’une bouchée des exercices de pranayama en Inde, mon AUM était fluide, stable, immatériel, délié. J’en suis maintenant bien incapable et ne plus pratiquer n’améliore pas la situation. Je sais ce que je devrais faire, mais j’en suis bien incapable. Ce matin, néanmoins, je retrouve spontanément ce souffle. Le bonheur.

Le calendrier du jour est vide, c’est un soulagement. Je n’ai aucune obligation, rien n’est programmé. Cela me fait l’effet d’une expiration. Le champ est libre pour ne penser qu’à une seule personne. Tout va bien, tout ira bien, j’en ai la conviction. Le téléphone est, pour une fois, allumé au cas où. Au fond de moi, je sais que les mots l’opération s’est bien déroulée, elle est en salle de réveil seront prononcés. Je ne les entendrai pas de vive voix, mais je recevrai un message qui me les confirmera. Dans ce laps de temps, seules la lecture et la musique peuvent s’immiscer.

Puis, je n’y tiens plus, je ferme le livre et commence à écrire. Mon coin lecture d’été, à côté de la fenêtre, n’est pas très confortable. Le coin écriture l’est encore moins. Rêvons de pouvoir à nouveau, un jour, écrire face à une ouverture sur le ciel. Dans un bouquin que j’avais adoré, et dont le titre m’échappe totalement, le personnage principal se terre dans une pièce obscure dont il a occulté les fenêtres en face de son bureau. À l’époque, l’image qu’en avait spontanément conçu mon cerveau m’avait pris à la gorge. J’ai toujours aimé écrire face à une vue libre, infinie. Un artiste doit rester longtemps à regarder l’horizon, là où l’océan et le ciel se rejoignent, dit Abramović.

Regarder l’horizon n’est pas difficile à Barcelone, la mer est à deux pas. Il faudra que je parvienne à reprendre ma routine. Nager quand la plage est encore déserte, admirer le lever du soleil quand les premiers rayons plongent dans l’eau, autour de moi. Me sécher ensuite à l’air libre, puis lire jusqu’à ce que la chaleur devienne trop forte. Observer les uns rouler leur tapis de yoga, les autres se dire fins demà après leur cours de gymnastique. Oui, il faut que je parvienne à reprendre cette routine.

D’ici là, je vais profiter de la journée libre pour terminer d’écrire le billet du jour. Puis, j’irai à la laverie. J’adore les laveries, depuis toujours. Je me souviens avec affection d’un de ces lieux de passage, microcosme aléatoire, surprenant. Cette fois-là, c’était au Texas. J’aime les photographier, imaginer le livret d’un opéra qui s’y déroulerait. Les anciens voisins ont anéanti la machine à laver de l’étage, j’enfourne le linge sale et mes draps de lit et, en avant ! Pendant le lavage, je profite d’aller manger un thali au resto végan juste en face. Durant le séchage, un déca au soleil et quelques chapitres… quand, c’était à prévoir, un bellâtre italien s’assied juste derrière moi. Toutes les tables sont libres, mais il choisit le siège le plus proche d’un mec qui lit son bouquin, tranquille au beau milieu de l’après-midi.

Thali végan vide et bien apprécié ©GD24 #HolaBCN Le bonheur, guapo
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Peut-être les Japonais savent-ils qu’on ne goûte un plaisir que parce qu’on le sait éphémère…

Muriel Barbery, L’élégance du hérisson

L’importun déverrouille son portable et démarre la vertigineuse exploration d’un flux continu de vidéos bruyantes en italien. Je ne supporte plus d’entendre cette langue. C’est temporaire, bien que très réel. J’en veux pour preuve le flot d’insultes en version originale qui remonte à ma conscience et que, cependant, je parviens à contenir. Impossible de lire avec ce tintamarre en toile de fond. De surcroît, le message que j’attends n’arrive toujours pas. Que se passe-t-il ? Je sens pourtant que l’opération s’est bien déroulée, elle est en salle de réveil. Rebroussons chemin.

Je récupère le linge propre et sec, le plie avec soin. Les tâches manuelles et automatiques ont un effect calmant certain. Comme d’entrer chez Frutal et s’y faire saluer d’un ¡Hola, guapo! Quelle que soit la personne derrière le comptoir, j’ai toujours droit à un guapo. Je découvre les fruits et légumes frais, venus directement de la campagne. Des couleurs et des formes qui donnent envie de varier les saveurs. J’opte pour quatre pamplemousses joufflus du Senyor Tomàs, dont la ferme est située dans la province de Tarragona, à Ulldecona. (On dirait une belle insulte en catalan, non ?)

Toute l'histoire de Senyor Tomàs sur une carte postale ©GD24 #HolaBCN Le bonheur, guapo
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Un dernier guapo avant de rentrer et faire le lit avec des draps tout propres…

Sur un bord de fenêtre, un pot blanc et un verre rempli d'eau et de moitiés de citron ©GD 24 #HolaBCN Le bonheur, guapo

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