Au large de la Gambie, des étoiles plein le ciel, des sons et des paroles qui dansent avec mes ombres
Si le ciel de Dakar est couvert ce matin, la nuit sera étoilée sur l’océan. Il me reste quelques heures, j’en consacre une partie à une visite chez mon barbier (toujours très perplexe quand il s’agit de tailler mes moustaches, façon Rajasthani ; une pensée pour mes amis Murali et Sajid qui s’en occupaient à Chennai.) Un dernier repas dans mon boui-boui favori, Chez Sonia (comme on dit en italien : se non è vero, è ben trovato). Tout en préparant mon thiep, les cuisinières se lancent dans une ultime tentative de séduction : elles me demandent (sans hésiter, car le temps presse) si je suis célibataire, et, le cas échéant, si je ne serais pas intéressé par l’une d’entre elles. Les palabres s’entrecoupent de grands éclats de rire partagés, à la façon africaine. Quelques petits tours dans Yoff, les adieux à mon ami Khalil, et puis s’en vont… #Off2Africa 44 Dakar Ziguinchor Sénégal

Vite, avant de quitter la terre ferme, prendre et partager la photo du jour depuis le port de Dakar. Je profite de l’occasion pour répondre ici à la réclamation d’un lecteur qui n’est autre que mon père. Mon père, donc, se serait plaint de ne voir que des photos de mes pieds en Afrique. Alors oui, mon cher père, toi le bourlingueur qui m’a précédé sur la route, toi qui m’as fait découvrir les voyages en bateau, toi qui il y a quelques mois encore me défiait avec tes photos de Cuba au volant d’une belle américaine, ce sont bien mes pieds sur la photo, ce jour. Pour une fois, la seule de toute ma série, je me suis permis de photographier mes toutes nouvelles Stan Smith (et mes chaussettes stylées petit bateau, parce que ferry oblige). Je m’étais dit qu’à la fin de mon périple, elles porteraient les traces de tous ces pays merveilleux. C’était sans compter l’intervention spontanée du gentil Monsieur Camara… À mon arrivée à Conakry, maculées de terre après le motocross et pourtant rincées par la traversée du Rio Nuñez, mes baskets furent nettoyées à grande eau puis séchées au soleil de Guinée.
Le soir est maintenant tombé sur Dakar, le port est illuminé. J’ai hâte d’embarquer, de prendre le large. Je dormirai bientôt à la belle étoile sur le pont supérieur. Comme Gabriel Buchmann, qui explora l’Afrique avant moi et dont l’histoire est racontée dans le beau film Gabriel e a montanha. Son voyage en ferry sur un grand lac du continent a duré trois jours, les images m’ont rappelé mon propre sentiment de liberté, alors que nous passions la côte de la Gambie.
C’est véritablement à partir de cette nuit-là que j’ai commencé à me sentir léger, comme si la tristesse se détachait de moi. J’avais accompli la première partie de mon voyage, je voguais vers le Sud. Il n’y avait que des vagues, des silhouettes et des ombres dans le bleu de la nuit.
Il y avait aussi (enfin ! peut-être ?) de la musique pour m’accompagner. C’est étrange cette aversion pour la musique après #NoVisa. D’habitude et d’aussi loin que je me souvienne, la musique a toujours été mon refuge, mon métier aussi, mon unique et loyale compagne, toujours présente dans les moments heureux ou tristes.
Depuis l’Inde, je ne pouvais plus rien écouter, je ne voulais que du silence. Cette nuit-là, sur le pont du bateau, j’ai remis mes écouteurs et passé James Blake en boucle. En boucle (comme à mon habitude) et en aléatoire (ma nouvelle astuce pour toujours être surpris).
À propos de son album The Colour in Anything, Blake dira :
I realized that [when it comes to making music], it wasn’t important whether I was happy or sad—it’s about sensitivity and your reaction to the world.
J’avais eu la chance d’être invité par Jan Dark à la générale du ballet Blake Works I, chorégraphie William Forsythe, à l’Opéra de Paris. C’était peu avant mon départ. J’étais comme mort.
Sur mon bateau, je n’étais ni heureux ni triste ; je recommençais à ressentir des choses, à agir à nouveau avec le monde. Pour la première fois depuis longtemps, des sons et des paroles dansaient devant mes yeux, à des kilomètres de la France et de l’Inde :
I can’t believe this, you don’t wanna see me Just please, more time Where is my beautiful life? I'm not livin' here, I'm not livin' here anymore I won't know pain anymore And I was made alone Now we take our natural road From the pull of the rock From the weight of the sky Where you lead me I will go And if that’s the way this year It’s the thorns I want and the bloom I always fear Tell me where I have to go And then love me there But giving up is hard to do You know you slide out when you slide in with graceful shadow Timeless Don’t use the word, "Forever" We live too long to be so loved People change and I can’t be tethered We think we are the only ones How wonderful you are I hope my life is no sign of the times It’s a lot for me to take Maybe I'll just press my hands on it You wanna know me like waves know shores I'm waiting to see who's mind of gold Through your broken turn I hear someone Who hasn’t found what changes them I suggest you love like love’s no loss I looked into myself like a case with you You don’t weigh me down like you think you do I’m not looking to hold you down Have I been unkind to you? To burn it like cedar I request another dream I need a forest fire (Another shade, another shadow…) I’m saved by nature But it always forgets what I need I hope you’ll stop me before I build a wall around me I’ll find no peace ’til I know you ’Til I wish you well ’Til I am not the enemy I’ll find no peace ’til I hold my light Knowing you did right And your love is everything I need I deserve someone better than someone like me Noise above our heads, even in the night Especially in the night I’m here when you don’t sleep so well I hear it every time you fall in love All I thought it was worth Was to mend things, are so breaking And how I chased the glory How I wanted to carry you for aching If one day I woke and couldn’t find the colour in anything I’m dealing with a wave crash There are two men down I know crossroads when I see them I want it to be over, I want it to be over So I swim to you while I'm sleeping It’s a sweet world Always It’s so easy And I’m not afraid And I have no hurt We're nothing left and uneven Every friend in need, every memory It’s me who makes the peace in me All I wanna sleep with, see It’s me who makes the peace in me From November through ’til now I hadn’t felt an ounce Weakened, lost and forsaken I’ll meet you in the maze Music can’t be everything When I see my willing heart How will I know? How will I walk slow? It’s a strange spell we lust for Every now and then, every now and then
Et le regard résolument tourné vers le large, je pensais :
Il est tellement important de laisser certaines choses disparaître. De s’en défaire, de s’en libérer. Il faut comprendre que personne ne joue avec des cartes truquées. Parfois on gagne, parfois on perd. N’attendez pas que l’on vous rende quelque chose, n’attendez pas que l’on comprenne votre amour. Vous devez clore des cycles, non par fierté, par orgueil ou par incapacité, mais simplement parce que ce qui précède n’a plus sa place dans votre vie. Faites le ménage, secouez la poussière, fermez la porte, changez de disque. Cessez d’être ce que vous étiez et devenez ce que vous êtes.
Paulo Coelho, Le Zahir
#Off2Africa 44 Dakar Ziguinchor Sénégal
Dimanche 8 janvier 2017
Durant #Off2Africa, j’avais pour habitude de ne partager qu’une photo par jour, sans légende.
Celle du jour figure en haut de ce récit ; en voici d’autres…








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


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
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