C’est l’espoir qui tue.

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Dans le silence de la nuit, sous de faibles éclairages, un arbre au tronc cassé penche vers le sol, écharpé par des vents extrêmes. Sa silhouette de paon se détache sur les murs couverts de graffitis, racontant la jungle urbaine qu’est Barcelone… #SilentSunday Le paon

Barcelone était la proie de vents extrêmes, jusqu’à 100 km/h dans certains quartiers. Il faisait déjà noir, mais j’avais décidé d’assister à la projection du film Boli / The Wrestler (Iqbal Hossain Chowdhury · Bangladesh · 2023 · 92′) aux Cinemes Girona.

Je pris mon courage à deux mains, un vélo à la station du coin et bravai la tourmente. Réflexe de celui qui a vécu divers cyclones à Chennai, je choisis de remonter le Passeig Sant Joan (après avoir encore pu traverser le parc de l’Estació Nord, qui fut ensuite fermé par précaution). L’ample avenue me protégerait des arbres qui pourraient tomber sur la chaussée. Cependant, l’éclairage public éteint, une obscurité quasi totale s’était installée en plein cœur de la ville, presque aussi sombre que les nuits d’Ashok Nagar. Les décorations de Noël étaient prises entre les bourrasques. Elles valdinguaient violemment, m’incitant à pédaler plus vite pour éviter qu’elles ne me tombent dessus, comme à l’angle de Balmes et Diagonal.

Dans le hall d’entrée, j’aperçus l’acteur A K M Itmam. Au milieu de rares spectateurs barcelonais, hagards et emmitouflés, il se tenait là et souriait. En salle 2, il présenta son personnage et le tournage, puis s’installa juste derrière moi. Les lumières s’éteignirent et je me sentis propulsé dans un cinéma du sous-continent asiatique. Sur l’écran, des souvenirs de ma vie en Inde, d’un village de pêcheurs sur la baie de Bengale…

Face à l’océan, le vieux Moju (Nasir Uddin Khan) désespère de ne plus parvenir à vendre son poisson, repousse les arbres de toutes ses forces, arpente la côte et se prépare à affronter les quolibets des villageois, l’incompréhension de son fils Shafu (Angel Noor), la crainte qu’envahit les yeux de sa belle-fille Rashu (Priyam Archi, remarquable), enfin et surtout, le colosse Dofor (A K M Itmam) champion en titre de boli khela, une forme de lutte unique du Bangladesh, lente et intense, reflet du style contemplatif de Chowdhury.

It’s the hope that kills you

Attributed to Sir Peter Ustinov

Je retrouvai l’odeur des nuits indiennes, le silence qu’envahissent les bruissements de cette terre chaude balayée de vents mouillés, où surgissent les sons des insectes et des bêtes sauvages auxquels se mêlent les refrains doucereux des films projetés au chai shop local.

À la fin de la séance, je félicitai A K M Itmam de quelques mots en hindi. Il n’y avait plus un chat dans le cinéma, nous nous lançâmes dans une discussion amicale sur le tournage, les symboles qui apparaissent dans le film, le rôle de Macbeth qu’il allait interpréter le lendemain à Prague où il étudie l’art dramatique. Je lui souhaitais plein succès et – qui sait – à bientôt, avant de rentrer à la maison.

En arrivant, je remarquai qu’un des arbres de la rue avait été sectionné en deux. Sous l’effet des vents violents, sa cime traînait maintenant sur le sol. L’arbre semblait s’être métamorphosé en paon, déclaré oiseau national de l’Inde en 1963.

Clic, la photo #SilentSunday est toute trouvée…

#SilentSunday Le paon

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