#SilentSunday Photos interdites


Dans une rue de Barcelone, de nuit, un magasin pour touristes dont la vitrine déborde d’éventails probablement Made in China#SilentSunday Photos interdites

#SilentSunday à Barcelone © 2025 Gilles Denizot

Cet attrape-touristes se trouve entre la place de la Cathédrale et la FilmoTeca. Je passe devant à chaque fois, avant et après la séance de cinéma. À l’aller, je ne le remarque guère, tout occupé à éviter les badauds. Au retour, je réprime un haut-le-cœur. Voilà tout ce que j’exècre et que j’ai tendance à qualifier de ‘shit we don’t need’ (pardon my French). Heureusement, au-dessus de la devanture, un rebelle a tagué une inscription dont le sens m’échappe, mais dont j’apprécie la couleur et les points de suspension en chute libre, tandis que la lumière semble vouloir échapper à l’enfermement.

Toute la lassitude du monde est là : la profusion d’articles de basse qualité, la vulgarité bariolée qui masque la blancheur des parois internes, le clinquant sans profondeur, la futilité, le gaspillage, le tourisme de masse. Encore et toujours, la prolifération qui pollue au lieu d’enrichir, puisque nous accordons de l’importance à tout ce qui est rapide, insignifiant, insipide. Vite, un like exempt de réflexion. Sur Medium, sitôt publié, sitôt oublié, bien qu’ayant reçu des dizaines de clap. On ne lit plus, on scroll. On ne découvre plus, on suit la tendance. On ne regarde pas les génériques de fin, on ne baigne plus dans l’atmosphère, on se jette sur le flux de boue portable. On ingurgite promptement, mais continuellement, des quantités invraisemblables de détritus et on rit, insouciants, bienheureux. On ne partage plus, on impose. On ne pense plus, on évacue des déjections. Comme il tombe bien cet éventail Made in China pour s’éventer un front de cire sur lequel ne passe plus aucune émotion ! 1 pour 10 €, 33 pour 2 €, à ce prix-là la question ne se pose pas.

Alors, on retourne sur les bancs de l’université pour (ré) apprendre à voir, à écrire, à raisonner, à ressentir, à expliquer. Car l’art ne révèle pas de message, il invite plutôt à élaborer un message. Il ne s’agit pas d’une question mentale, mais toujours d’un processus physique qui mobilise les émotions. Plutôt que de nous aider à comprendre l’art, en expliquer le sens tue notre expérience. Il faut aller au-delà du produit. Quels types d’approches nous viennent à l’esprit lorsque nous regardons une image ? Que se passe-t-il si nous n’avons pas de contexte, mais que nous devons tout de même apporter un commentaire ? À quelle conclusion temporaire parvenons-nous sans lire les notices des œuvres exposées dans les musées ? Pourquoi ne peut-on que rarement s’asseoir face à un tableau, et jamais caresser une sculpture ?

Le plus ironique est l’autocollant indiquant qu’il est interdit de faire des photos de la vitrine. Vous savez quoi ?

Clic, la photo #SilentSunday est toute trouvée…

Une vitrine attrape-touristes présentant une multitude d'éventails à main sous le graffiti d'un mur de pierre à Barcelone… #SilentSunday © 2025 Gilles Denizot

#SilentSunday Photos interdites

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2 réflexions au sujet de « #SilentSunday Photos interdites »

    1. Sur Mastodon, c’est exactement le cas : pas de mots, à part le hashtag #SilentSunday et un Alt-text nécessaire pour inclure les visiteurs avec problèmes de vision. En revanche, sur mon blog, j’écris depuis toujours un texte à partir d’une photo, que ce soit après #Off2Africa ou pour #SilentSunday.

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