Le toit de la gare de Sète, les lumières de l'intérieur du train se reflètent sur la fenêtre #Off2Europe Resfeber Stress © Gilles Denizot 2023
#off2europe, france, histoires

#Off2Europe — Resfeber Stress

Je n’étais pas encore parti que j’avais déjà envie d’être de retour. Ce n’est plus de la resfeber, c’est du stress


Pourtant, je m’y étais préparé. Un départ dans l’après-midi me laissait le temps de vivre ma matinée à mon rythme. Le peu de choses à emmener était déjà trié et attendait. (La valise n’est plus jamais prête à l’avance, j’ai trop connu ça.) C’est le traditionnel voyage triangulaire nord, sud-est, sud-ouest, trois petits tours et de retour chez moi. Néanmoins, c’était déjà trop long. Tiens, j’ai écrit chez moi#Off2Europe Resfeber Stress

Allez, la playlist (anti-stress) pour accompagner ce billet :

Les gens toussent, ça me stresse. Assis sur ce siège face à face (je prends le train deux fois par an, tu crois qu’une fois, j’aurais un siège isolé ? SNCF, c’est jamais possible !), je sors mon Murakami du moment, en lis un chapitre et m’assoupis, bercé par le tchakatchak des voies et les touches sonores d’Akira Kosemura…

Le conducteur du TGV se prend pour un pilote d’A380, c’est inOui. Chers voyageurs, notre train a atteint sa très grande vitesse (on le savait déjà pour être valdingués de tous côtés depuis un moment), le temps sera beau sur le parcours, etc. Je suis évidemment dans le sens contraire de la marche (SNCF, c’est jamais possible), mais ça ne me dérange pas. J’aime faire perdurer mon regard sur la ville de retour.

On any given day, something can come along and steal our hearts. […] A miscellany of trivia with no home to call their own.

Haruki Murakami, Pinball 1973

Les gens reniflent, ça me stresse. Il y a même un chien qui grogne lorsque quelqu’un approche de ses proprios, deux bobos d’anthologie. Monsieur fait le beau, mais en phase finale ; Mademoiselle est leste et stylée (Monsieur a du souci à se faire).

Quand je rouvris les yeux, délassé, le tchakatchak des voies continuait. La musique aussi, celle d’Hideyuki Hashimoto.

#Back2Africa © Gilles Denizot 2017

Nous en étions à la plus irréelle portion du trajet. Je ne sais jamais précisément où cela se trouve sur la carte. C’est bien ainsi, un magnifique coin du monde aux latitudes longitudes vagues. Lorsque j’étais reparti en Afrique en 2017, j’avais surmonté la resfeber initiale le nez collé à la vitre du train. Je capturais des souvenirs de cette zone d’eau, de terre et de ciel. Je formai alors une note mentale : en identifier les coordonnées et demander à mon père quel est ce bâtiment qu’on distinguait au loin. (Mon père est le type de personne susceptible de détenir ces informations, c’est une encyclopédie du savoir singulier.) La technologie nous ayant devancé, les photos étaient géolocalisées comme on disait déjà en 2017. Je préservais toutefois ce lieu dans la brume d’une fin d’assoupissement, entre Barcelone et Paris, Yoko Komatsu dans les oreilles…

Soudain, j’eus envie d’un café. Plutôt, j’eus un goût de café dans la bouche. Voilà quelques semaines que je n’en bois pas ou peu, au profit du thé du pauvre. Quand cette envie se réveille, c’est un prétexte pour partager la cafetière avec Mercedes (et les croissants-beurre salé-confitura d’albercocs de Fontdepou). C’est aussi l’occasion d’une conversation avec Muriel au Cottage Café. Nous y avions évoqué des histoires de silence, de langues et de passeports étrangers. Cette fois, nous étions dans une rue encensée, au Boréal. Était-ce pour animer les aurores de là-bas ? (Mesdames et Messieurs, notre train va faire un bref arrêt ; n’ouvrez pas les portes, notre départ est imminent.)

Ding Dong
Les voyageuses qui songent à aller observer ces fameuses Northern Lights sont invitées à découvrir le morceau éponyme d’Ola Gjeilo (n° 14 dans la playlist de ce billet) et ce qu’a ressenti Naseem Rakha en les survolant. (Il y a longtemps, j’avais eu la chance de rencontrer Naseem, après avoir lu son livre The Crying Tree. Dans Forever sunsets, elle décrit son émerveillement devant le tango cosmique des aurores boréales, depuis le hublot d’un avion endormi…)
Triiit, triiit

Toujours est-il que j’eus envie d’un café. Direction : voiture 14 au centre de la rame où un type très empressé me posa toutes sortes de questions dans un français SNCF, c’est jamais possible. Le largo, une ou deux doses ? Du lait, du sucre ? Et avec ceci, une viennoiserie ? Un muffin aux pépites de chocolat ? Non, je ne sais pas, un café, je suis encore assoupi. Juste un café, merci.

La voiture-bar est déserte, les baies vitrées sont généreuses. Je regarde l’horizon, l’eau, la terre et le ciel. J’écoute Ólafur Arnalds et Arnór Dan…

Les dernières notes de Dirk Maassen résonnaient à l’arrivée. Je descendis sur le quai. Il y avait un square aux bancs vides et des arbres dans lesquels nichaient des guirlandes de Noël. Le corps était à Paris alors que la tête s’éternisait dans ce coin du monde aux latitudes longitudes vagues…

Une place de square à Paris, des arbres, un banc et des guirlandes de Noël #Off2Europe Resfeber Stress © Gilles Denizot 2023

Dans le train de retour, Pinball dûment terminé, A Wild Sheep Chase avait pris sa place.

Le toit de la gare de Sète, les lumières de l'intérieur du train se reflètent sur la fenêtre #Off2Europe Resfeber Stress © Gilles Denizot 2023

#Off2Europe Resfeber Stress