Ciel bleu, branches printanières, toit piquant et nuage flottant ©GD24 #HolaBCN Vers l'essentiel
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En chemin, il y avait le ciel et des branches printanières, des édifices pointus et un nuage qui flottait allègrement au-dessus de tout.


Hier, je racontais combien je freinais ma lecture de Sputnik Sweetheart#HolaBCN Vers l’essentiel

Photo de la production #ItsComplicated, Chennai, Inde. Eurydice vêtue de blanc, derrière elle se tiennent des chanteurs, l'un de face, les autres de dos sur fond rougeâtre ©GD14 #HolaBCN
, 2014, Chennai, Inde

Avant de dormir, j’ai tout de même lu un peu, en préservant les dernières pages. Ce matin, le dénouement fut effectivement à la hauteur de ce que j’imaginais… Je ne dévoilerai rien, mais je vais tout de même citer un paragraphe. Il faut dire que, si je me retrouve beaucoup dans les histoires de Murakami, ce passage-là m’a troublé :

So that’s how we live our lives. No matter how deep and fatal the loss, no matter how important the thing that’s stolen from us – that’s snatched right out of our hands – even if we are left completely changed people with only the outer layer of skin from before, we continue to play out our lives this way, in silence. We draw ever nearer to our allotted span of time, bidding it farewell as it trails off behind.
Repeating, often adroitly, the endless deeds of the everyday.
Leaving behind a feeling of immeasurable emptiness.

Haruki Murakami, Sputnik Sweetheart, traduit du japonais par Philip Gabriel, éditions Vintage Books

Une page ouverte du livre Sputnik Sweetheart de Haruki Murakami ©GD24
Sputnik Sweetheart, Haruki Murakami ©GD24 #HolaBCN Vers l’essentiel

Traduit du japonais par Corinne ATLAN, cela donne :

C’est ainsi que nous poursuivons nos existences, chacun de notre côté. Si profondément fatale que soit la perte, si essentiel que soit ce que la vie nous arrache des mains, nous sommes capables de continuer à vivre, en silence – même lorsqu’il ne reste plus de notre être qu’une enveloppe de peau, tant nous avons changé intérieurement. Étendant la main pour tirer vers nous la quantité de temps qui nous est allouée, nous sommes capables de la laisser ensuite filer en arrière sans rien faire. Répétant simplement les mêmes tâches, les mêmes gestes quotidiens – parfois avec une grande habileté. À cette idée, je sentis en moi un vide incommensurable.

(Je ne trouve pas en français toute l’émotion que je reçois en anglais. Il faudra un jour que je parvienne à lire le texte original en japonais… Un jour…)

Toujours est-il que je me refuse à cette éventualité : continuer à vivre, en silence. En silence, oui, ça je connais bien. Mais être capable de continuer à vivre ainsi, non. Je n’en suis, en fin de compte, pas capable. Je n’arrive plus à nourrir ce vide incommensurable de la perte fatale, de ce que la vie m’a arraché des mains. Je veux retrouver un essentiel, sinon la quantité de temps qui m’est allouée ne m’intéresse pas.

Il y a exactement 10 ans, en avril 2014 (pour moi, les dates sont importantes), je présentais , à​ Chennai (mise en scène conjointe avec Namrata Shah). Le thème sous-jacent était la santé mentale et le suicide, alors (et probablement encore) sujets d’actualité en Inde. En retraçant les nombreuses versions d’Orphée, entrelacées avec Bastien und Bastienne de Mozart, avait également amené les médias sociaux en direct sur scène.

Tout avait commencé ce jour-là :

— Monteverdi in India ©GD14

Puis vinrent les répétitions, durant lesquelles je m’étais absenté brièvement pour subir une opération de la colonne vertébrale. Moins d’une semaine après, je marchais à nouveau et j’étais de retour sur le plateau. Entretemps, les élèves s’étaient spontanément organisés pour travailler et m’envoyaient les vidéos, dont celle-ci :

– Répétition (Chennai, Inde, 2014) Lasciatemi morire, Claudio Monteverdi

Et, enfin, les représentations.

Ce matin, 10 ans après , je suis allé parler une heure en tête-à-tête avec une professionnelle de la santé mentale. Un premier pas vers un état meilleur, pour retrouver l’essentiel.

En chemin, il y avait le ciel et des branches printanières, des édifices pointus et un nuage qui flottait allègrement au-dessus de tout…

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