Suite à une erreur de calendrier, mon voyage à Brest a dévié et, le lendemain, je me suis retrouvé à Mumbai… #HolaBCN Querelle à Mumbai
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Un pressentiment me tournait autour, toute la journée. Dès le moment où j’avais réservé ma place pour la séance et noté l’heure dans mon calendrier, j’étais persuadé que quelque chose ne convenait pas. Au lieu de faire confiance à mon intuition et de vérifier, j’arrivai légèrement en avance à la FilmoTeca, à 20 h 50. Évidemment, le film était à 20 h. Je l’ai donc raté, mais cela m’a donné une bonne occasion de pratiquer l’exercice « Être aimable avec soi-même ». La première réaction est de se traiter de tous les noms, de se reprocher méchamment l’erreur, et c’est là que l’entraînement prend toute sa raison d’être. J’ai rebroussé chemin (le film de 21 h 30 ne m’intéressant pas) en me répétant : « ça n’est pas grave, ça ne fait rien », et autres mantras du même acabit.
J’étais tout de même bien contrarié.
C’est que j’avais prévu de voir pour la énième fois Querelle (Rainer Werner Fassbinder · 1982 · 110′). Si j’y pense, j’entends la voix de Jeanne Moreau, je vois les lumières saturées du décor et l’univers d’hommes entre hommes de Jean Genet, relu à la Tom of Finland par le cinéaste allemand. Il y a encore deux séances pour me rattraper…
Au lieu de Brest hier, c’est à Mumbai que j’ai atterri aujourd’hui pour All We Imagine as Light (Payal Kapadia · 2024 · 115′).
Je passerai rapidement sur la controverse de ces Messieurs les censeurs (bonsoir) indiens « The jury said that they were watching a European film taking place in India, not an Indian film taking place in India. » (« Le jury a déclaré qu’il regardait un film européen se déroulant en Inde, et non un film indien se déroulant en Inde. ») Ils avaient déjà abandonné un de mes films préférés en 2013, The Lunchbox ; comment s’étonner de leur décision ?
Dès les premières images, je me suis senti pris à la gorge. J’ai failli couler dans ce Mumbai Blues et cette noirceur que je connais si bien. Il était peut-être imprudent de ma part que de tenter l’expérience, mais j’ai tenu bon, jusqu’à la fin. Peu à peu, je me suis adapté, j’ai reconnu le marathi local, le malayalam de Prabha et d’Anu, le hindi national, retrouvé les gestes typiques, la foule, les processions de Ganesh Chaturthi, les odeurs, les sensations.
Je me suis même retrouvé dans certaines répliques (je cite de mémoire) :
Cela fait 23 ans que j’habite ici, mais je ne me risquerais pas à dire que c’est chez moi, il y a toujours l’éventualité d’en être chassé…
Quand les nuages noirs qui tournaient au-dessus de Mumbai crèvent enfin et que la mousson torrentielle s’abat sur la ville, j’ai senti ma respiration se libérer. Puis vint la dernière partie, le retour de Parvaty to her native, dans son village de Ratnagiri au bord de la mer d’Arabie. Je n’y étais pas allé, mais je m’y installerais bien. Le lieu m’a rappelé un petit paradis sur la côte dans lequel je m’étais échappé entre deux ateliers d’OperaLab India. Et puis, Ratnagiri est renommée pour ses mangues, parmi les meilleures que j’ai jamais mangées, les fameuses Alphonso. On les trouve aussi à Barcelone, mais je leur préfère désormais celles qui viennent du sud de l’Espagne. Entre Made in Spain et Made in India, mon cœur ne balance plus.
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Peu avant le générique de fin, j’étais heureux. Il y avait les douces attentions d’une vieille femme qui offre un chai, ce moment de bascule quand Prabha dialogue avec l’homme qu’elle soigne, et ce café aux guirlandes lumineuses, au bord de l’eau, le bruit du ressac, le ciel étoilé, et tout cette lumière que j’avais, moi aussi, imaginé…
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