Trois citrons et un livre jaune à ma fenêtre, le ciel bleu en toile de fond #HolaBarcelona mars 2023 © Gilles Denizot
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#HolaBarcelona — Mars 2023

Du jazz ? Des citrons qui se font caresser ?


Fuck you all dit le graffiti (et moi aussi, parfois), mais la mer soigne tout. Voici #HolaBarcelona mars 2023

#HolaBarcelona mars 2023

Du jazz et des citrons !

Du jazz soudain à la plaça Catalunya? Cela me rappelle La Latina à Madrid, ou un petit voyage à Barcelone, avant d’y habiter.

Trois citrons (et demi) qui se font caresser par l’astre du jour ? En souvenir d’une classe de poésie catalane contemporaine. Inspiré du poème Tres llimones de Gabriel Ferrater. Une préparation mentale et schématique du travail à rendre en fin de trimestre. Enfin, cela reste à écrire…

Fuck you all dit le graffiti (moi aussi, occasionnellement), mais la mer soigne tout.

En mars 2023 à Barcelone, j’aurai assisté à quatre créations : l’une en première audition au Liceu quand les autres furent mondiales ou estrenes absolutes (comme on dit ici).

Tout d’abord, en pack 2 en 1 : d’Elisenda Fàbregas: Parlen les Dones (2022). Dix-huit minutes composées sur un recueil de poèmes de Montserrat Abelló. Ensuite, et surtout, le Rèquiem català (2022) de Marc Migó, trente minutes passionnantes de musique soutenue et inspirée par l’écriture de Juana Dolores.

J’avais découvert Marc Migó lors de la création (encore une !) de son micro-opéra The Fox Sisters au Liceu. Le journal de juillet 2022 l’évoquait. Sa version de la messe des défunts était attendue. D’aucuns le savent, j’aime depuis longtemps ce texte. Marc Migó n’a pas déçu avec son Rèquiem català, quand Brahms qualifiait le sien de deutsches. Alors, je l’ai dit, je le répète : ne perdez pas de vue ni d’ouïe ce jeune homme. Pour cette commande, le compositeur a collaboré avec Juana Dolores et confie :

J’ai très vite pensé à un nom que j’ai entendu assez récemment : Juana Dolores. Elle n’était pas seulement une poète reconnue (elle a remporté le prix Amadeu Oller en 2020), mais elle était également originaire du monde du théâtre et n’avait qu’un an de plus que moi. Je ne vous cacherai pas que, d’un point de vue pragmatique, j’y attachais aussi de l’importance : sa trajectoire avait et a toujours, aujourd’hui plus que jamais, un large suivi médiatique, et elle est particulièrement populaire parmi les jeunes générations. Et si notre collaboration pouvait se cristalliser dans un rapprochement de la musique classique à des audiences de toutes sortes ? Et si le travail conjoint d’une poète et compositeur pouvait servir d’exemple pour enjoindre la belle création interdisciplinaire existant en Catalogne ?

Marc Migó, Pròleg Rèquiem català

Marc et Juana se rencontrent. Que se disent-ils ? 

Pour ma part, un Requiem catalan ne devait rendre hommage à aucun cadavre littéral. Le genre de la messe de défunts m’a plutôt donné l’occasion de réfléchir à des thèmes clés de la réalité catalane. La mémoire, l’identité et la précarité culturelle (y compris les dimensions modestes de l’orchestre jouaient en faveur de cette idée). Lorsque j’ai conçu les fondements idéologiques de la composition, j’ai été très influencé par l’article récent signé par le compositeur et ami Jordi Cervelló et Lluís Cànovas Martí, intitulé ‘El corpus del crim’. On y critique de manière ironique et implacable le manque de considération injuste dont bénéficie le corpus musical catalan de la part des autorités politiques, programmeurs et du public en général. Je voulais confronter le public qui entendait mon requiem aux dépouilles imaginaires d’une Catalogne peu distante, et ainsi l’intégrer dans la tradition des requiems nationaux, suivant la lignée de Brahms, Penderecki et Danielpour.

Marc Migó, Pròleg Rèquiem català

Pourquoi catalan ?

Marc Migó a joué au pince-sans-rire. Ici, une sardane. Là, quelques notes d’une suite de Bach et le Cant dels ocells (bénédiction certaine de Pau Casals). Il l’expliqua à la libraire Ona Llibres, la proximité auditive entre Also sprach Zarathustra et l’hymne du Barça (signé d’un certain Manuel Valls, non, pas lui, un autre, ah bon) lui procure son terrain de jeu :

Attendu depuis sa création en 2020 au Bayerische Staatsoper de Munich, 7 Deaths of Maria Callas de (et avec !) Marina Abramović apparut au firmament du Liceu. Le spectacle figurait dans ma formule d’abonnement ; tu m’étonnes ! J’allais donc VOIR la grande prêtresse de la performance, pour de vrai sur scène, en action, en concentration aiguë, en Assoluta. Après avoir lu, étudié et enseigné son Artist’s Manifest… le moment vint.

Sept héroïnes (époustouflante Leonor Bonilla en Lucia aliénée) et la Callas. Sans oublier le partenaire masculin idéal (depuis qu’Ulay n’est plus) : un Willem Dafoe immense sur l’écran. Enfin, la musique originale de Marko Nikodijevic pour tisser les scènes de Bellini, Bizet, Donizetti, Puccini et Verdi.

(Note au Liceu, je n’aurais pas quitté la production de Tosca après le Vissi d’arte s’il avait été chanté comme ici, par Vanessa Goikoetxea.)

Avec ceci ? Quelques plaisirs simples et de saison. La plage et le bonheur de lire au soleil. Les légumes du moment : cardons et artichauts. Les fleurs aussi. Après Madame Hyacinthe, ce ne seront pas moins de cinq de ses sœurs, mais bleues cette fois et pour deux euros seulement. Le parfum en est tellement enivrant qu’il me faut maintenir la fenêtre entrouverte. Le printemps s’engouffre dans mon petit chez-moi. Tout arrive, a poc a poc.

Puis vint la dernière création du mois au Liceu : Alexina B. Elle s‘inspire de l’histoire d’Adélaïde Herculine Barbin, une personne intersexuée. Née en France en 1838, son témoignage émeut et inspire Raquel García-Tomás, lauréate du Prix national de musique 2020. Bon, quelques moments intéressants, mais l’ensemble manque de quelque chose de marquant. Un décor à la Nurse Ratched, un univers sonore à la Pelléas. Toujours est-il que la bonne société barcelonaise est ravie de ne pas avoir à se prononcer. C’est une compositrice et catalane de surcroît, l’opéra de la ville met à sa disposition la grande scène pour une création, c’est forcément bien. Clap, clap. Certes, on a vu pire au Liceu cette saison. Clap, clap, donc.

Voici la journée mondiale de la poésie ET du syndrome de Down (don’t ask, don’t tell). Au CCCB, j’assiste à l’évènement 2023 dédié à Francesc Vicent Garcia, que je découvre. Il y en aura pour tous les goûts, c’est typique d’ici. Beaucoup de merde, de caca, de prout, puisque nous sommes en Catalogne. Pour le reste, on a ri avec l’Epitafi de la fama del Rector de Vallfogona, en boca del seu escolà i la seva majordona. Espectacle de Marc Rosich, amb Oriol Genís i Berta Giraut (dont l’un se fit remplacer, je ne peux pas vous dire lequel). Enfin, on a fait venir quelques gugusses pour rapper pantalons baissés sur des vers du recteur, c’est moderne, c’est jeune, c’est tolérant, c’est catalan. Ainsi, nous nous sommes enfilés du Yo, man, català is here to stay, visqui el català. Bien. Adéu.

J’en ai profité pour me procurer le nouveau recueil de poésie de mon professeur Jaume Subirana, j’ai préparé un petit sac cabine et me suis envolé pour Genève.

Là, mais il faudra lire, une grande aventure se concrétisera enfin. Puis, Paris.

À suivre…

Retour à la maison le jour du poisson d’avril. Vous suivez ?

#HolaBarcelona mars 2023

#HolaBarcelona Mars 2023

Trois citrons et un livre jaune à ma fenêtre, le ciel bleu en toile de fond #HolaBarcelona mars 2023 © Gilles Denizot