Un vélo appuyé contre un réverbère, lumière jaune sur les pavés #HolaBarcelona février 2023 © Gilles Denizot
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#HolaBarcelona — Février 2023

Le retour de la lumière annonce le printemps


Le retour de la lumière : celle de Llum et du froid soleil nordique d’Uma Elmo. La délicate lueur d’un ténor léger, Schubert et Goethe, le rayonnement de Gessamí Boada. L’iridescence de l’eau en poésie. Le ciel tendre et pâle de Barcelone, rose puis jaune, annonçant le printemps. Macbeth de Plensa au Liceu, et mon anniversaire… Voici #HolaBarcelona février 2023

#HolaBarcelona février 2023 © Gilles Denizot

Il fait encore froid et humide, mais le soleil invite à laisser les fenêtres ouvertes. Les rayons encore timides s’engouffrent alors dans la pièce. L’homme attend la chaleur, il appréciera la luminosité nouvelle. Il sait que le printemps ne peut tarder, l’air frais qui virevolte en a laissé échapper le secret. Entre vers, deux femmes évoquent dragon, cactus et survie…

Com el cactus, com tu, supervivent

Maria-Mercè Marçal, (Raó del cos, 2000) répondant à Maria Antònia Salvà, (D’un cactus, El retorn, 1934)

Pour la troisième fois, le festival Llum illumine mes nuits. Je contemplerai la seconde lune d’Another Moon (collectif coréen Kimchi and Chips) dans le parc de Poblenou. Je jouerai avec le vent de We Harvest Wind (Thijs Biersteker), une sculpture cinétique interactive alimentée par l’énergie éolienne. J’irai déchiffrer les Signes (studio Playmodes) d’une gigantesque lanterne suspendue dans le patio de l’Auditori. J’y flotterai, soulevé par les sons d’Uma Elmo. Un froid soleil nordique, une heure trente d’inventivité musicale et d’onirisme pour lutter contre la vitesse contemporaine. Vous ne connaissez ni Uma, ni Llum, ni Elmo ? 

Alors que les dépêches se succédaient, que les bilans des morts ne faisaient qu’empirer, je remarquai un livre de poésie… El vent se m’endurà (Le vent m’emportera) d’Abbas Kiarostami fait écho aux tremblements de terre en Syrie et en Turquie. Le cinéaste iranien avait documenté les séismes ravageurs de 1990 dans sa Trilogie de Koker. Au CCCB, les sons perlés du santour d’Iman Siuof adouciront les images.

Poésie encore, celle de Goethe, et musique, celle de Schubert, à l’Ateneu Barcelonès. On y parle de la transcendance d’un amour impossible entre ces deux sommets du Romantisme. J’y entendrai surtout Marc García, un ténor léger idéal pour ce répertoire. Si tout n’est pas encore maîtrisé, sa voix procure exactement le son que l’on attend dans ce répertoire. Une belle découverte, disponible ici.

De l’amour impossible à l’art d’aimer, de l’Ateneu à Traditionàrius. Je fais découvrir à Gab, en visite, ce centre dédié à la musique et cultures traditionnelles catalanes. Carme, ma prof de catalan, nous y avait emmené un soir de Sant Medir. En plus de leur programmation, leur bar-buvette est bien sympathique, avant et après le concert de Gessamí Boada. Entendue pour la première fois pendant la Mercè 2021, l’auteure-compositrice-interprète y présente son troisième album, L’art d’estimar. C’est une artiste que j’apprécie, une voix délicate et une musicalité formées à l’ESMUC (comme Marc García, cité plus haut). Ces nouvelles chansons sont les fruits d’une crise personnelle, d’une rupture amoureuse, du processus de survie. Chacun traverse le chagrin à sa manière, en s’y abandonnant face à l’horizon…

Gessamí Boada – Em rendeixo a tu

Et, quand la tempête s’estompe, il fait bon s’offrir et partager son temps entre amis, en particulier le guitariste Darío Barroso :

Gessamí Boada & Vic Mirallas – Regala’m el teu temps
Que tots els malentesos siguin paraules que s'endugui el vent
I que siguem capaços de donar sense esperar res

Le vent qui emporte les mots d’une chanteuse et les vers d’un cinéaste, tandis que les lettres immenses de Jaume Plensa franchissent les portes du Liceu pour se répandre sur la scène. L’artiste plasticien mondialement connu aborde Macbeth à l’opéra. L’esthétique visuelle et la mise en espace (plus que mise en scène) ne nous apprennent rien de nouveau sur l’ouvrage, mais ne dérangent pas non plus (contrairement à une récente Tosca). Les lumières signées Urs Schönebaum sont magnifiques, le ballet habituellement coupé est restitué par une troupe de danseurs acrobates. Verdi voulait « una brutta voce », une voix laide pour le rôle de Lady Macbeth ; celle de Sondra Radvanovsky fera justement l’affaire, contrairement à sa récente Tosca. La question est de savoir si tout cela vaut deux millions d’euros, si le meilleur qu’on puisse attendre d’une nouvelle production d’opéra est qu’elle ne dérange pas…

Me souviendrai-je de ce Macbeth comme du Samson et Dalila entendu à Piacenza avec Carlo Cossutta et Fiorenza Cossotto ? Je ne devais pas avoir 18 ans lors de cette escapade en solitaire. Un anniversaire sans que l’on me dérange, tradition héritée de Sonja et perpétuée à Bouaké, Valizas ou Barcelone.

La journée s’achèvera comme le mois, à la plage. J’y admirerai l’iridescence de l’eau, j’y lirai de la poésie. Le ciel tendre et pâle de Barcelone, rose puis jaune, confirmera que le printemps ne peut tarder… 

Un vélo appuyé contre un réverbère, lumière jaune sur les pavés #HolaBarcelona février 2023 © Gilles Denizot

#HolaBarcelona février 2023