#HolaBCN De musique et d’eau

J’étais dans des intérieurs distingués, en tapinois derrière une tenture.


Le ressac nocturne devint gouttes de pluie, puis matin aqueux. J’hésitais… #HolaBCN De musique et d’eau

Un panneau de l'exposition Bleda y Rosa à la Fundación MAPFRE ©GD22
#HolaBCN Eau de Bleda y Rosa

J’étais dans des intérieurs distingués, en tapinois derrière une tenture. J’évoluais d’alcôves douillettes en salles d’apparat. De couches tiédies aux braises, de cascades de brocart ou de velours indigo qu’éclairent humblement des miroiteries vert-de-grisées. On annonçait de la pluie pour le lendemain matin, mais on ne sait jamais. Au cas où, je fermai la fenêtre autour de laquelle s’amoncellent des livres. J’entrouvris celle qui laisse passer un peu d’air et fait tinter le carillon éolien que m’a offert Geet. 

Un escalier descend dans les eaux du Lac Léman à Genève ©GD23
#Off2Europe Descente des eaux du Léman

Pelotonné sous le duvet, je plongeai dans le nouveau livre du moment. (Le prochain Murakami sur ma liste n’est toujours pas arrivé. Je puise dans les réserves.) Je persistais à déguster L’élégance du hérisson, quand patatras ! je glissai sans pouvoir m’arrêter avant la dernière ligne ! Les notes de viole de gambe, de luth (parfois de l’oud) résonnaient déjà chez Pascal Quignard et son roman L’amour la mer. Le bandeau rouge Gallimard détachable était apparu (après sa chute inopinée, je l’avais placé à cheval sur la page 249) dans le livre de Muriel Barbery, autre marque-page clandestin à la façon Mercedes. Il y a des signes auxquels il ne faut pas résister : des associations d’idées, des saute-moutons, se sentir sombrer dans un sommeil bercé d’eau…

Vue des terres et de l'eau à proximité de Sète en France ©GD23
#Off2Europe De terre et d’eau, à proximité de Sète

Plonger était sa joie. Elle était violiste mais elle continuait d’écarquiller les bras quand elle jouait de la même manière qu’elle les déployait en nageant; elle les lançait autour d’elle dans les vagues ou dans l’air; elle vivait la musique comme cette mer elle-même baignée de scintillations qui avançait et qui se retirait sous nos yeux.

Pascal Quignard, L’amour la mer

Le ressac nocturne devint gouttes de pluie, puis matin aqueux. J’hésitais. Si je lisais le chapitre suivant dans le lit ? Si je me levais pour préparer le thé vert et reprendre ma lecture auprès de la fenêtre ? Il faisait frais, mais pas froid. L’air mouillé est si rare à Barcelone. Près de la fenêtre, ce fût, et en musique.

Nous regardions s’étendre l’étendue, s’ouvrir la plage récente et trempée qui sortait simplement de l’eau de façon miraculeuse.

Pascal Quignard, L’amour la mer

Sons de vagues, sons de pluie, de musique et d’eau. Des morceaux que j’ai choisis, d’autres qui tentent de me séduire, qui tour à tour se présentent en aléatoire et renforcent les vibrations du temps qu’il fait. Ondes sonores, ni exhaustives, ni extraordinaires, mais dont chaque flux éveille un sentiment propre.

Dans la famille de musique et d’eau, je demande l’album Water d’Hélène Grimaud (d’elle, j’écoute tout depuis toujours) en particulier les Transitions de Nitin Sawhney.

Toute l’eau du monde d’Hélène Grimaud et les Transitions de Nitin Sawhney

Je ne demande jamais La Moldau, parce que quand je l’entends je suis comme devant Wagner ou certaines mesures de Clair de lune de Debussy : incapable de bouger, d’avancer, de poursuivre. Le deuxième poème de Má Vlast de Smetana est, d’aussi loin que je puisse remonter le courant de la mémoire, la partition qui a le pouvoir de me capturer vivant et de m’extraire du monde. C’est un souvenir merveilleux ou plutôt une conviction de l’enfance, probablement même antérieure. Une ou deux notes suffisent. Ce matin, sans y être préparé, je fus téléporté au bord de la Vltava sur les ailes du Philharmonique de Berlin, piloté par Ferenc Fricsay. On fête le bicentenaire de la naissance du compositeur tchèque, je vais devoir m’habituer à ces escapades bohèmes…

Vue japonisante du lac Léman et bambous ©GD23
#Off2Europe Note japonaise sur eau du Léman

Il y a Hear The Wind Sing de Murakami. Il y a aussi I Hear the Water Dreaming de Tōru Takemitsu (1987) que je demanderai encore et encore. Extraite de Waterscape, sa série sur le thème de l’eau, j’aime une version du BBC Symphony (je suis partial, j’ai bien aimé chanter Moussorgski avec eux) mais quelquefois, on aime lire la musique et l’entendre simultanément. Aussi, parce que si on goûte La Mer de Debussy et les marque-pages qui s’envolent, on ne dédaignera point d’écouter l’eau rêver…

Hear The Wind Sing & Hear the Water Dreaming
Couverture du roman L'amour la mer de Pascal Quignard contre la fenêtre mouillée ©GD24

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